La story
de Little Bob

critiqué par Numanuma, le 27 août 2011
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
L'Apache du Havre
Il y a quelques mois, le magazine Rock&Folk a consacré un long article de plusieurs pages à Johnny Hallyday suite à la sortie de son dernier album produit par M. L’article fut l’occasion d’un débat entre divers journalistes pour savoir qui incarne le rock en France. Malgré toutes les valises qu’il trimballe, le consensus s’est fait sur Johnny pour la longévité de sa carrière, sa voix et pour cet élément impossible à quantifier mais qui le met à part : la légende qui s’est créée autour du VRP d’Optic 2000. Bien sûr, les noms d’Eddy Mitchell et Dick Rivers, en plus de quelques autres ont été cités mais l’évidence ne s’est pas imposée : le rock en France, le vrai, le pur, c’est Little Bob avec ou sans sa Story !
A la différence de M. Smet, Little Bob, Roberto Vincenzo Stefano Piazza pour l’état civil, fils d’immigrés italiens débarqués au Havre, n’a jamais connu un succès aussi inhumain que celui de Jojo, il n’a jamais et ne remplira jamais le Stade de France. Il ne sera jamais aussi bankable que Mylène Farmer ou Sardou et, quelque part, tant mieux.
Parallèlement, il n’a jamais succombé aux succès faciles, à la variétoche, à la Star Ac’ ou à la musique de pub. Les deux sont peut-être liés mais, lui, plutôt que de se vendre, à envoyer promener une maison de disques qui lui proposait d’écrire pour le come back de Nicoletta ! Quitte à se mettre lui-même dans la merde !
L’histoire de Little Bob, que je connais surtout pour ses albums solo, ceux avec Little Bob Story, son groupe historique, je n’arrive pas à les trouver. Je ne sais même pas s’ils existent en CD… Bizarrement, sur le site de la FNAC, il y en a un mais un grand nombre de titres sont dispos en téléchargement.
L’histoire de Little Bob Story, c’est l’histoire intemporelle et universelle du rock dans sa version française : premier groupe à 16 ans, les Apaches, suivi d’une ribambelle d’autres au gré des musiciens rencontrés, des salles de concerts plus ou moins remplies, des kilomètres avalés. Jusqu’à la Story. Bob est le leader. Toujours. Mais son idéal, c’est d’être un gang, ensemble, partout, toujours, à la vie, à la mort ! C’est sur le constat, après bien des années de carrière, que Bob mettra fin à la Story. A ce moment, il y a lui, déjà un vieux briscard, amoureux, habitant le Havre, sobre, quand ses musiciens vivent à Paris, font la fête version sex and drugs and rock’n roll. Un fossé s’est creusé involontairement et Bob a pris la courageuse décision qui s’imposait : fini Little Bob Story, bonjour Little Bob.
Little Bob, c’est une certaine idée de l’éthique et du rock.
Prenez son album live de 2005, The Gift : sur un CD, ses titres, sur l’autre, des reprises. Sur la pochette, un manège en train de tourner sur lequel il est écrit Rock n Roll. Les lumières sont violentes, crues, image rappelant les galères et les bons moments d’un groupe sur les routes de France, un France pas franchement rock mais voila, Little Bob à la chance de ne pas ressembler à Elvis, Johnny ou Vince Taylor. C’est un petit gros, un peu comme si Josée Dayan, réalisatrice de téléfilms pourris pour TF1 souvent, avait magné Hugues Aufray. Little Bob est petit, plutôt rondouillard, avec des lunettes de vue ! Pas vraiment un sex symbol mais voila, il dégage quelque chose d’intense. C’est d’ailleurs un des très rares artistes respecté par les anglais, un des très rares à avoir tourné là-bas avec succès. Il est même apprécie de Lemmy, l’intransigeant leader de Motorhead ! Pour moi, cela suffit.
Quant à sa musique me direz-vous, qu’en est-il ? Après tout, c’est le nerf de la guerre. Comme je l’ai dit plus haut, il est difficile de trouver les albums de Little Bob Story mais You Tube propose quelques titres. Par contre, les albums solos, parus chez Dixiefrog, label français lancé par un fan de blues du Sud des Etats-Unis, d’où Dixie, sont aisément trouvables. Vous l’aurez compris, on parle de rock’n roll, c’est-à-dire une musique qui n’oublie pas la notion primordiale de groove. Oui, Little Bob connait son Chuck Berry mais c’est aussi un fan de blues et de rythm and blues. Il a toujours veillé à choisir ses musiciens en fonction de leurs capacité à groover, quitte pour cela à se passer d’un guitar hero au profit d’un guitariste moins bon mais plus proche de l’état d’esprit. C’est plein de vie, de soul, Bob se donne toujours à fond et c’est bon !
Little Bob est culte : il a vécu et continue à tourner et enregistrer, il a donné dans la dope et l’alcool, il a connu un succès relatif qui a ouvert la voie à des groupes comme Trust ou Téléphone, Little Bob est une référence pour les membres de Noirs Désir alors qu’une bonne partie de leur public ne le connait pas. La gloire, il l’a vue, pas loin, juste avant qu’elle tourne au coin de la rue en lui faisant un signe de la main. Depuis ses 16 ans, Bob EST le rock en France, merci Roberto.