L'ombre des choses à venir
de Yosuah Kossi Efoui

critiqué par Camarata, le 2 août 2011
( - 72 ans)


La note:  étoiles
Le pacte des hommes-crocodiles
Dans un contexte menaçant de misère et de cruauté, un roman éblouissant, chatoyant, sensuel et inspiré, dépourvu cependant, de l’incontournable histoire d’amour.
Il déborde de tant d’autres sortes et formes d’amour ; celui de maman Maïs, la prostituée qui recueille les orphelins et leur apprend l’entraide, celui de Ikko, « l’enfant des milles personnes », pour son père adoptif qui l’a sauvé de la moquerie et de la honte en lui donnant son nom, celui du bouquiniste axis Kemal pour les livres et la transmission, celui du père pour sa femme réincarnée en oiseau, celui du narrateur pour la forêt synonyme de liberté et d’espoir.

Le narrateur - orateur est un jeune homme qui s’apprête à franchir un pas décisif, il raconte son enfance dans un petit village du Congo soumis aux exigences cruelles des autorités d'occupation, qui déplacent à leur convenance les hommes dans des plantations pour y travailler comme des esclaves.

« Des êtres glébeux qui semblaient être sortis de terre pour de vrai, sans être passés par le ventre d’aucune mère, sans avoir connu dans le ventre d’une mère la cuisson et le raffinage de la boue dont nous sommes faits »


Son père a été déplacé dans les plantations quand l’enfant avait cinq ans. Lors de son retour avec d’autres rescapés, il est comme mort, éteint et ne prononce plus une parole.

A 12 ans l’orateur décroche une bourse et va faire ses études dans un internat de pointe, gloire du gouvernement, nommé en toute simplicité « Fer de lance »
C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance d’Axis Kemal, bouquiniste, entremetteur de travestis et passeur d’univers.

« Quand ces corps excessifs faisaient leur entrés, ils étaient beaux comme les acteurs savent être beaux : en dehors des contingences de leurs corps ordinaire ; C’était la manifestation d’un corps glorieux dont seul l’habit révèle et filtre la lumière. »


Dans le fouillis livresque du bouquiniste Axis Kemal, le jeune homme cherche et croit trouver un témoignage sur la déportation de son père et la raison de son état actuel.

Il est appelé par les autorités à une sorte de service militaire nommé l’épreuve de la frontière, qui a pour but de circonscrire et de mater des populations nomades qui veulent continuer à vivre dans la foret .

« Des populations qu’un attachement atavique à la forêt rend rétive à l’avancée de la prospection minière, source du bonheur communautaire »


Son frère adoptif Ikko est revenu fou de cette épreuve, aussi avec l’aide d’Axis Kemal qui a monté un réseau de résistance avec les « hommes- crocodiles », il décide d’entreprendre le passage irréversible, d’un univers à l’autre…

Le style narratif, riche, inventif, onirique porte le récit à l’incandescence.