Le boxeur manchot
de Tennessee Williams

critiqué par Perlimplim, le 26 juillet 2011
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
La beauté sans filet
Etonnant Tennessee Williams! Dramaturge de génie (immédiatement "Un Tamway nommé désir", "La Chatte sur un toit brûlant" viennent à l'esprit), le novelliste qu'il fut se révèle tout aussi convaincant. Alors que cet aspect de son oeuvre est largement éclipsé par son théâtre, la seule lecture du "Boxeur manchot" surprend comme un uppercut inattendu. Les nouvelles sont brèves, directes, écrites dans un style très immédiat. Les héros sont tous des "réprouvés", exclus d'une société nauséabonde percluse des ses propres maux. Ils vivent en marge, prisonnier dans un monde aussi sourd que sombre. Et là où Tennessee Williams surprend, c'est que sans misérabilisme aucun, il fait basculer cet univers constamment au bord de la nausée du côté de la beauté la plus pure. Ses mots, les images qu'il emploie pour décrire les lieux, les personnages et leurs états d'âme, agissent toujours comme un prisme enchanté au travers duquel la laideur décrite revêt ses plus beaux atours. Williams magnifie par son écriture le sordide du quotidien, et en ce sens, il fait oeuvre de poète. Rien d'étonnant à ce que plusieurs de ses personnages le soient. Williams aime ses personnages, ces êtres faits de mots, et il le crie haut et fort à son lecteur. Leurs failles et leurs désirs, leurs refoulements sexuels ou leurs "fautes", leur fragilité ou leur homosexualité plus ou moins avouée, voilà ce qui leur donne leur humanité et leur offre le paradis. Réfutant l'idée d'un péché qu'il faudrait expier ici-bas, tous ne sont seulement qu'humains, trop humains. Tout jugement (judiciaire et moral) devenant inutile, car hors de propos, il ne reste plus qu'à l'auteur à savoir saisir ces bribes de beauté, dans un monde que d'autres décriraient comme hostiles. Tout n'est finalement qu'une affaire de regard, et de savoir voir. Au poète de transcrire par des mots ce regard.
Et comme le dit Myra, dans "Le Champ des enfants bleus": "Les mots sont un filet où prendre la beauté!" Tel est le pari réussi de ce livre.