En rêvant à partir de peintures énigmatiques
de Henri Michaux

critiqué par Kinbote, le 10 juin 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Magritte façon Michaux
Trente ans nous séparent de la parution de ce petit livre de Michaux écrit à partir de peintures de Magritte à une époque, donc, où les images du peintre n'avaient pas encore servi à tout et à rien, été trahies par les publicitaires. Les lecteurs qui ont dû lire cela en 1972 ne savaient pas tous à quelles images faisaient référence les mots du poète alors qu’aujourd’hui, à les lire, on met presque automatiquement un tableau voire un titre dessus.
Michaux nous dit qu'il a commencé à écrire ces impressions en 1964 à un moment où il n’avait pas encore rencontré le peintre et appris comment il avait conçu certains de ses tableaux. « Le connu gênant l'inconnu », comme il dit, mit un terme aux rêveries écrites à partir de ces peintures. C’est donc un regard neuf que nous prête ici Michaux. « C’est pour avoir tellement parlé et écrit qu'il y a de par le monde tant de restes qui, avec leur sérieux « déplacé » ont une résistance de pierre à tout ce qu’on aurait besoin de faire de véritablement nouveau » écrit-il justement.
Michaux parle de « fenêtres puritaines, fermées, des fenêtres à se jeter par la fenêtre ». A propos de « L'Empire des lumières », il écrit : « Il est rare que le jour et le nuit soient surpris ensemble ». D’autres tableaux désormais « connus », il note: « Oiseau en plein ciel, traversé de ciels » ou « Il suffit que l'on applique à une pomme, posée sur une table, un masque ou plutôt un loup, pour qu'il regarde ». D’un tableau qui semble contenir fenêtres, nuages, ciels, il déclare, formule à la hauteur de l’enjeu de la peinture : « d'ailleurs tout ne peut-il pas être retenu dans un cadre ? ».
A propos de parapluies, il les désigne comme « signes d’un pays où il pleut tellement (il y pleut aussi sur les enthousiasmes), signes des temps couverts, des horizons couverts et d’un régnant terre à terre ». Mais c'était dans les années 60. Aujourd'hui plus rien n'est pareil bien sûr ; tout a changé : même Magritte est devenu populaire !