Le Trésor de la guerre d'Espagne : Récits d'enfance et de guerre de Serge Pey

Le Trésor de la guerre d'Espagne : Récits d'enfance et de guerre de Serge Pey

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Camarata, le 14 juillet 2011 (Inscrite le 13 décembre 2009, 72 ans)
La note : 10 étoiles
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« Les morts nous tiennent par les jambes pour que nous restions debout"

Un roman poignant, composé d’une vingtaine de micro- récits. Le narrateur est le plus souvent un enfant confronté à la répression d’une dictature féroce.
Les lieux et l’époque ne sont pas précisés mais il me semble que cela concerne essentiellement la situation des républicains espagnols restés en Espagne peu après la défaite des troupes républicaines.

Ces micro- histoires sont indépendantes les unes des autres, mais pourraient constituer les différentes périodes de la vie d’un même individu.
Elles alternent des scènes légères et colorées de vie populaire, riche en croyances magiques et en sorcelleries merveilleuses, des actes de résistance et des scènes d’une cruauté diabolique élaborées par le régime fasciste.

Un des récits se déroule dans le village familial où la mère du narrateur prévient les rebelles, réfugiés dans les montagnes, en plaçant les habits suivant un code secret sur l’étendage

« J’ai appris à lire en mangeant les lettres dans la soupe. La petite écriture du petit sens .Mais ma mère lisait la terre car les empreintes étaient des écritures de la nuit. Avec les traces sur le sol autour du sol de la maison, elle savait qu’un renard était passé sur le chemin, ou un chien ou un vélo .Ma mère lisait si bien les empreintes sur la terre que je croyais qu’elle venait de l’avenir…
En étendant le linge elle écrivait des consonnes pour faire sonner le monde. Elle dictait avec nos draps et nos chemises des phrases que le ciel seul comprenait. »


Dans « la vengeance du scarabée »Le vieux sorcier Santamaria ramasseur de scorpions et de scarabées raconte ses pouvoirs à l’enfant impressionné :

« Santamaria réveillait la vitalité des vieillards et des jeunes couples qui n’avait pas d’enfant, il aidait les femmes à retourner l’amour de leur homme parti avec une plus jeune .Mélangé à un vieil alcool de mais qui vous brûlait le ventre comme du pétrole allumé, la tisane de scorpion préparait la force et la victoire de ceux qui allaient se battre pour se venger d’une infidélité ou d’un déshonneur. Santamaria voyait dans la nuit et pouvais lire des images dans le soleil sans baisser les yeux. »


Dans : « le morceau de bois » l’un des récits les plus durs, l’enfant de rebelles (probablement des républicains espagnols mais cela pourrait se passer en Amérique latine) est emprisonné par les autorités dans un camp :

« Le directeur avait mis au point sa méthode. A chaque nouvel enfant qu’il sélectionnait pour en faire un surveillant, il confiait un jeune chiot. L’enfant devait l’allaiter et le faire dormir avec lui. Puis après quelque mois il le forçait à le torturer, et ensuite il lui donnait l’ordre de le tuer. C’est ainsi qu’il préparait chaque enfant de la section des grands à torturer les petits qu’il voulait faire parler. »


Le chef demande à l’enfant de frapper son chien pour arreter de torturer son ami Pablo

« -Si tu veux qu’il arrête cogne ton chien. Montre que tu es un homme.Il faut que tu choisisse .C’est ton copain ou le chien.
Je restais paralysé devant la table en serrant Chien contre moi.
-Regarde continua le directeur, maintenant on va casser un bras à ce pédé. Vas –y dit-il au grand qui riait. Pablo se mit à hurler sous la torsion…
Je compris que je n’avais pas le choix et qu’il fallait que je m’exécute pour sauver le bras de Pablo.
Je pensais que je n’existais pas et que Chien n’était qu’un morceau de bois.
La douleur des chiens ressemble à celle des hommes. Parfois ils crient de la même façon. Mais je n’entendis pas le gémissement de mon chien ; Un morceau de bois ne crie pas.
-Ca va, dit le directeur maintenant tu es un mec, et vas soigner ton chien si tu le peux.

Je sortis dans la cour sans oser regarder Pablo toujours attaché à la fenêtre…
Je ne pensais plus au morceau de bois que j’avais dans les bras.
Je pris Chien par les pattes de derrière et je le tuais d’un seul coup en l’écrasant sur le trottoir. »



Le fait d’être dans l’incertitude quand au lieu et à l’époque rendent ces récits d’autant plus universels, ainsi beaucoup d’entre eux m’ont évoqué le beau et terrible livre de CHRIS ABANI : « COMPTINES POUR L’ ENFANT- SOLDAT ».
Les barbares en tous lieux et en tous temps utilisent toujours les mêmes méthodes pour soumettre et anéantir.

L’auteur grâce à un talent incontestable, porté par un style narratif original mêlant poésie, traditions populaires et morsure de la barbarie, transcende la monstrueuse réalité pour en faire un poème épique intemporel sur la barbarie humaine, qui malheureusement semble ne jamais avoir de fin.

Le titre de ma critique :
"Les morts nous tiennent par les jambes pour que nous restions debout"
,est tiré d'un des récits et résume assez bien l'esprit du livre.

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Les éditions

  • Le trésor de la guerre d'Espagne [Texte imprimé], récits d'enfance et de guerre Serge Pey
    de Pey, Serge
    Zulma
    ISBN : 9782843045615 ; 16,80 € ; 14/04/2011 ; 170 p. ; Broché
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