Ce que sait la main : La culture de l'artisanat
de Richard Sennett

critiqué par Isad, le 26 juin 2011
( - - ans)


La note:  étoiles
Réunifier la tête et les jambes dans un même corps !
C'est un livre très intéressant, bien documenté, plaisant à lire et qui fait réfléchir sur notre société et nos comportements impersonnels. Il s'inscrit dans la tradition du pragmatisme américain qui cherche à associer la philosophie à des pratiques concrètes dans les arts, les sciences ou l'économie politique.

La figure centrale est celle de l’artisan qui n’a pas besoin d’une autorité supérieure pour le surveiller. Il retrace son historique à l’aide d’auteurs classiques et de nombreux exemples contemporains. Il montre qu’il faut réhabiliter la connivence nécessaire entre la tête et la main pour faire du bon travail alors qu’actuellement, elles sont séparées socialement. Le bon artisan ne doit approfondir un problème jusqu'à le rendre parfaitement indépendant car alors il perd la relation qu’il avait avec son environnement, et par là même les solutions de rechange. Il récuse la perfection mécaniste et impersonnelle et prône l’humain et ses irrégularités chaleureuses : le « c’est moi qui l’ai fait » dont on est fier.

La difficulté de l’artisan cependant est qu’il possède souvent un savoir tacite, non verbal qu’il transmet difficilement. Il veut réhabiliter l’apprentissage par concentration, répétitions, essais et erreurs (et donc réduire la peur d’en commettre qui est néfaste). Il privilégie le fait de montrer, les interactions verbales dans la proximité plutôt que l’écrit impersonnel.

L'auteur explique que l’intuition aussi se travaille. Il prône le fait d’utiliser l’ambiguïté des situations (comme l’a montré François Jullien dans son « Traité de l’efficacité ») et de suivre la voie de moindre résistance.

« La confiance nécessaire pour se remettre d'une erreur n'est pas un trait de personnalité, mais une compétence qui s'acquiert. » (p. 220)

IF-1010-3637