L'arbre des tropiques
de Yukio Mishima

critiqué par Perlimplim, le 9 juin 2011
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Rouge tragédie
Un père de famille richissime, heureux d'être lui-même; une femme, beaucoup plus jeune que son mari, et se pliant à tous les caprices de celui-ci; une fille malade, dont la mort prochaine est annoncée; un fils faible et lâche, manipulé et par sa mère et par sa soeur; une tante dont le rôle est d'accompagner les vivants jusqu'au rivage de la mort. Cinq personnages pour une tragédie qui est, sans conteste, un des sommets de l'oeuvre de Mishima. Car si le romancier est plus connu en France que le dramaturge, Mishima prouve, avec "L"Arbre des tropiques", toute son affinité avec le théâtre. Et on ne peut que s'étonner que son oeuvre ne soit pas plus souvent à l'affiche. "L'Arbre des tropiques" dégage une force proprement inouïe, et se lit d'une seule traite, tant la tension dramatique monte et ne se dénoue qu'à la dernière réplique.
Si la pièce se passe au Japon, Mishima parvient à donner à son oeuvre un caractère universel. Tout sur scène est épuré à l'extrême, et donne aux événements un aspect intemporel. Le spectateur/lecteur est convié à une tragédie, selon la définition de Mishima, où l'intrigue se joue au cours de la même journée. La tante Nobuko assume le rôle de la messagère de la mort, et se contente d'assister et de commenter les événements. Le frère et la soeur, qui développent une laison incestueuse, forment un double projet de parricide et de matricide. Mais devant l'échec de la mort du père et de la mère au cours de la pièce, les deux enfants finiront par se suicider. Les dernières répliques sont confiées à la mère, qui, de façon indirecte, annonce à son mari qu'elle finira bien par le tuer. La tragédie grecque n'est donc pas loin, et cette famille rappelle consciemment celle des Atrides.
Les sentiments sont violents, les paroles acérées comme des lames. Mishima scrute chacun de ses personnages au scalpel. Il ne met en scène que les passions, dans une oeuvre où, curieusement, les actes sont voués à l'echec. Le frère et la soeur se suicident hors de la scène, et la mort imminente du père n'est qu'annoncée. Le théâtre est donc celui des affrontements (verbaux) des différents personnages et de leurs passions. Mishima a réussi le tour de force d'écrire une tragédie, qui, pour être aussi violente que sanglante, est tout aussi pleine de pudeur et de retenue. Une oeuvre majeure de la littérature dramatique du XXème siècle.