Secret War
de Brian Michael Bendis (Scénario), Gabriele Dell'Otto (Dessin)

critiqué par Kaftoli, le 15 mai 2011
(Laval - 58 ans)


La note:  étoiles
Histoire d'un ratage
Nick Fury, l'homme à l'œil de pirate qui dirige le SHIELD, découvre un lien qui unit un ensemble de criminels connus du milieu et opérant grâce à du matériel ultrasophistiqué. D'où vient le financement nécessaire à la fabrication et à l'entretien de ces costumes qui s'avèrent des armes redoutables ?
La prémisse est intéressante. L'angle du financement nécessaire à la construction d'armures sophistiquées m'apparait plein de promesses. Jusqu'ici les supervilains de Marvel ne semblaient pas avoir grand peine à trouver l'argent nécessaire à la mise à jour de leurs armes personnelles: ils volaient le matériel ou l'argent, cela ne leur posait pas de difficultés majeures. Ou alors, soit ils avaient une fortune personnelle importante à leurs dispositions (comme le milliardaire Tony Stark (Iron Man), soit ils bénéficiaient d'un riche mécène. Dans Guerre secrète, ce "mécène" vient de Latvérie, dont le monarque von Doom est remplacé par Lucia von Bardas. La situation politique et diplomatique est fragile. Le président des États-Unis, lui-même, refuse de souscrire à la thèse de Fury, ce qui contraint ce dernier à manœuvrer discrètement, avec peu de moyens.
Le récit de Guerre secrète n'est pas chronologiquement linéaire. Il propose aussi deux langages narratifs: la bande dessinée et la transcription de documents secrets (notes de Fury, extraits d'entrevue, lettres, etc.) Qu'est-ce qui préside au choix d'une forme langagière plutôt qu'une autre pour faire avancer l'histoire ? Ce n'est pas clair. En d'autres termes, je n'ai pas compris pourquoi le scénariste proposait de raconter tel segment de l'histoire par le biais de notes retranscrites ou d'échanges de répliques plutôt que sous la forme de bandes dessinées. Je ne suis pas puriste, je veux bien accepter la proposition d'emblée. Disons que, sur le plan formel, ce procédé mixte soutient le projet de donner une facture plus réaliste au récit. D'ailleurs, dans un même ordre d'idées, les cases proposent des images peintes, qui se rapprochent de l'idée que peut se faire le lecteur moyen d'une esthétique dite "réaliste". D'ailleurs, on précise que le support visuel est l'œuvre de l'illustrateur italien Gabriele Dell'otto, qui nous propose des "peintures".
Toutefois, l'ensemble ne tient pas ses promesses. Le récit est confus, brouillon, voire répétitif. On verra bien peu de choses sur ce qui s'est passé en Latvérie, censé être au cœur même de cette proposition. Les enjeux sont mal circonscrits; les intérêts de tout un chacun à peine esquissés. Sur le plan visuel, on veut en mettre plein la vue; mais trop souvent, sur ce plan aussi, le fouillis règne. Le "peintre" nous propose des images figées, statiques, sans grands mouvements, ce qui est pourtant le propre du langage de la bande dessinée. Ici, plusieurs plans d'ensemble mettent en scène des combats épiques dans lesquelles on peine à distinguer les personnages les uns des autres. Ce n'est que de l’esbroufe visuelle, qui s'harmonise mal au récit. Les scènes de combat sont ratées. Ratées à force de surenchère narrative et visuelle. On a voulu mettre le plus de superhéros et de supervilains possibles, dans une même séquence, ce qui banalise l'apport singulier des personnages. Un effet tape-à-l'œil, sans plus.
Bref, un ratage assez spectaculaire pour le chapitre qu'on voulait être le plus sombre de la saga Marvel. Dommage.

Pour un résumé plus détaillé de l'histoire:
http://marvel-world.com/encyclopedie-1533-fiche-gu…