Médée
de Jean Anouilh

critiqué par Nevermore, le 11 mai 2002
(Rennes - 42 ans)


La note:  étoiles
Médée, terrible Médée!
Je viens tout juste de relire Médée de Jean Anouilh et je suis encore sous le choc de la puissance du texte. Dans cette courte pièce on assiste aux derniers instants de Médée, à ses derniers crimes. Jason ne voudra plus d'elle, sa situation est sans espoir et de toute façon elle est de ces personnages qui jamais n'ont été maîtres de leurs destins.
Il me semble bien que l'écriture de ce mythe par Jean Anouilh est magnifique et mérite d'être lue partout. Ici il n'y a rien de pompeux: Médée crie, gueule, sans relâche. Sa souffrance, son débat mental, transpire sur le papier (influence shakespearienne?). De plus l'oeuvre n'est pas située dans une époque définie et cela donne bien sûr un ton éternel à ces paroles. La Médée d'Anouilh est une bohémienne voleuse de poules qui vit à l'écart dans sa roulotte, une mal aimée : le côté barbare (qui signifie étranger au monde grec) est merveilleusement transcrit. Autre élément important :la fuite de Médée, et aussi le souvenir de ses quatre cent coups (meurtriers) avec le beau Jason. Anouilh a-t-il pensé à Bonnie & Clyde?
extraits:

MEDEE
Tu l'entends?

LA NOURRICE
Quoi?

MEDEE

Le bonheur. Il rôde.

LA NOURRICE
Ils chantent au village. C'est peut-être
une fête chez eux, aujourd'hui.

MEDEE
Je hais leurs fêtes. Je hais leur joie.


....
"Je t'ai aimée, Médée. J'ai aimé notre vie forcenée. J'ai aimé le crime et l'aventure avec toi. Et nos étreintes, nos sales luttes de chiffonniers, et cette entente de complices que nous retrouvions le soir, sur la paillasse, dans un coin de notre roulotte, après nos coups. J'ai aimé ton monde noir, ton audace, ta révolte, ta connivence avec l'horreur et la mort, ta rage de tout détruire. J'ai cru avec toi qu'il fallait toujours prendre et se battre et que tout était permis."
Le mythe de Médée revisité et en grand ! 10 étoiles

Médée, une princesse barbare qui a menti, volé, tué, qui vit dans la pauvreté et méprisée de tous, par amour pour son Jason, se fait abandonner par lui pour épouser une belle jeune (mais surtout pure) princesse de son pays natal, pour pouvoir recommencer une nouvelle vie. Évidemment, on ne peut se défaire si facilement de Médée...

« LA NOURRICE. Qu’est-ce qu’ils vont faire de nous maintenant ?

MÉDÉE. Quelle question ! Ce qu’il faut demander, c’est ce que nous allons faire d’eux, la vieille ! J’ai peur aussi, mais pas de leur musique, de leurs cris, de leur roi pouilleux, de leur ordres - de moi ! Jason, tu l’avais endormie et voilà que Médée s’éveille ! Haine ! Haine ! grande vague bienfaisante, tu me laves et je renais. »

Une pièce assez courte pour l’auteur, mais qui ne manque pas d’intensité, de puissance ! Sans être nécessairement plus sympathiques (non, je ne qualifierais Médée, ni Jason comme tels), j’ai quand même trouvé que comparer à la pièce d’Euripide, les personnages étaient plus poussés psychologiquement et, par extension, plus palpables. Ce sont deux pièces que j’ai appréciées différemment et que je recommande, de la tragédie à l’état pur !

Nance - - - ans - 2 décembre 2011


Ah, ces "classiques" ! 9 étoiles

Merci à Nevermore pour cette excellente critique d'une pièce que je ne connaissais pas. Voilà un livre qui va très vite gonfler ma pile "en attente"... J'aime Anouilh, ainsi que les thèmes qui traversent les siècles et la littérature intemporelle que nous croyons connaître. De toute façon, à en relire les oeuvres majeures nous ne perdons jamais notre temps ! Il y a de la grandeur dans cette littérature et c'est, il me semble, ce dont notre époque manque le plus.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 15 mai 2002