L'héritage du colonel
de Carlos Trillo (Scénario), Lucas Varela (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 10 mai 2011
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Quand la raison d’Etat se fait complice de la folie sadique
Elvio Guastavino, petit homme gris et en apparence inoffensif, a reçu un lourd héritage de la part de son père. Ce colonel hautain et sévère, qui faisait partie des tortionnaires sous la dictature militaire argentine, s’entraînait à la torture sur des poupées et amenait ensuite des prisonnières chez lui pour les interroger. Elvio essaie de se remémorer ses sinistres souvenirs comme les merveilleux instants d’une vie de famille exemplaire. Pour lui, réalité et imaginaire commencent à se confondre.

D’un coup de crayon plaisant qui évoque vaguement le style des comics américains mais dans des teintes autrement plus vénéneuses, l’auteur nous assène l’histoire terrifiante et malsaine d’un Monsieur tout le monde obnubilé par les fantômes de son passé, notamment celui de son père, et qui avait tenté de son vivant de lui enseigner la torture… Ici, il n’est plus question de psychologie mais bien de folie glaciale et macabre, une folie qui contamine le récit et parvient à déstabiliser le lecteur. Comment concevoir l’inconcevable ? C’est bien de ça dont il est question, car même en sachant que l’histoire est tirée d’un témoignage, l’esprit se cabre devant tant une telle atrocité, même si le trait caricatural permet de prendre de la distance et d’en atténuer l’horreur…

Je ne peux pas dire si j’ai vraiment aimé, même si je reconnais la difficulté de l’exercice. Je me suis demandé si en fait ces personnages aux faces comico-grimaçantes, qui pourraient presque sortir de Mickey magazine, ne m’ont pas mis encore plus mal à l’aise que si elles avaient été plus réalistes… C’est en tous cas une expérience âpre et peu commune, et qui interroge sur les limites de l’être humain en matière de barbarie et la manière dont il peut s'auto-justifier… A lire quoi qu’il en soit, tout au moins si vous pensez avoir les nerfs suffisamment bien accrochés…