La Belgique et ses démons : Mythes fondateurs et destructeurs de Luc Beyer De Ryke

La Belgique et ses démons : Mythes fondateurs et destructeurs de Luc Beyer De Ryke

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par VLEROY, le 8 mai 2011 (Inscrit le 9 janvier 2006, 45 ans)
La note : 10 étoiles
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Pour mieux comprendre nos problèmes communautaires

Alors que l'avenir du pays est incertain, le journaliste Luc Beyer de Ryke revient sur les mythes fondateurs et destructeurs de la Belgique. Tout commence au XVème siècle lorsque les principautés, duchés et comtés se regroupent progressivement au sein d'un même Etat sous l'impulsion des ducs de Bourgogne, et commencent donc à avoir une histoire commune (à l'exception de la principauté de Liège). Ils nous ont laissé un riche patrimoine culturel : Jan Van Eyck, Hans Memling, Roger de la Pasture, p.ex. Charles le Téméraire et sa fille Marie de Bourgogne reposent à l'église Notre-Dame de Bruges.

La Bataille des Eperons d'Or en 1302 a été choisie comme fête régionale flamande dans les années 70, et le ministre-président Luc Van den Brande avait même évoqué l'indépendance de la Flandre pour son 700ème anniversaire en 2002. Que s'est-il réellement passé? Furieux de l'alliance de son vassal le comte de Flandre avec l'Angleterre, Philippe le Bel (roi de France) l'emprisonne et occupe le comté. Soutenus par des troupes namuroises (alliées au comte de Flandre), les bourgeois et artisans remportent la victoire le 11 juillet 1302 contre les chevaliers français. A cette époque, le comté ne correspond pas à la Flandre actuelle, et comprend la Zélande et le Nord-Pas de Calais. Le terme "Flamand" désigne ses habitants, qu'ils parlent français ou la langue locale. Pendant longtemps, cette victoire est présentée comme une résistance "belge" à l'envahisseur, et le roi Albert Ier y fait allusion dans un discours en 1914 lors de l'invasion des Allemands. Puis, la Bataille des Eperons d'Or est reprise comme symbole par le mouvement nationaliste flamand alors que l'histoire démontre qu'ils ont peu de liens entre eux.

Au nord du pays, certains vénèrent Henri Conscience, auteur du "Leeuw van Vlaanderen" (Le lion des Flandres) qui valorise la langue néerlandaise. Mais ils oublient de souligner qu'il a participé à la révolution belge de 1830, qu'il a reçu une aide financière du roi Léopold Ier pour publier ses oeuvres, et qu'il a eu droit à des funérailles nationales. Son amour de la Flandre et de la langue néerlandaise n'étaient pas incompatibles avec l'Etat belge.

La première fracture entre nos communautés a lieu lors de la première guerre mondiale. Le mythe des soldats flamands morts parce qu'ils ne comprenaient pas les ordres donnés par des officiers en majorité francophones s'installe ("L'image est exagérée mais pas inexacte", fait remarquer Luc Beyer de Ryke). Pendant ce temps, le reste du pays est occupé par les Allemands qui tentent de diviser les Belges en appliquant la "Flamenpolitik" du gouverneur militaire von Bissing (création de l'université flamande de Gand, p.ex.). Après la première guerre mondiale, le mouvement nationaliste flamand qui était jusque là patriote et belge, commence à revendiquer l'indépendance de la Flandre.

Au sud du pays, la lettre de Jules Destrée en 1912 fait du bruit : "Sire, il n'y a pas de Belges. Vous régnez sur deux peuples : des Wallons et des Flamands". Il se reconvertit cependant en grand patriote belge après la guerre. La Question Royale montre des différences de sensibilité entre le nord et le sud. Avant de mourir en 1962, le syndicaliste André Renard lance l'idée du fédéralisme. L'auteur évoque les tentations rattachistes de l'écrivain Charles Plisnier et de certains responsables politiques francophones (Daniel Ducarme et Jean Gol, p.ex.).

Luc Beyer de Ryke s'intéresse aussi aux mythes entourant nos rois. Il montre comment l' "oeuvre civilisatrice congolaise" de Léopold II est présentée aujourd'hui différemment dans les manuels scolaires. Il dévoile ensuite un roi Albert Ier plus complexe que son surnom de "roi-chevalier", et cite les similitudes avec son fils Léopold III. Le règne du roi Baudouin est marqué par la transformation de la Belgique en un Etat fédéral.

De la célèbre citation de Jules César ("De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves") à la victoire électorale de Bart De Wever en 2010, l'auteur nous retrace plusieurs siècles d'histoire dans cet ouvrage intéressant, objectif et agréable à lire.

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