Oedipe roi
de Sophocle

critiqué par Jules, le 7 mai 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Le sombre engrenage du destin
Ici également j'ai été tenté de relire le texte de Sophocle après avoir fait la critique d’ « Œdipe ou le roi boiteux » d'Anouilh. L’histoire a beau être la même, il n'en est rien pour le ton, sans que cela puisse être péjoratif pour celui d'Anouilh.
Ce dernier ne pouvait évidemment que respecter l’intrigue et s’est contenté réactualiser le texte. Pour certains, celui de Sophocle souffre de nombreuses répétitions et l’habitude qu’avaient les anciens de constamment citer le titre et la parenté des personnages principaux peut agacer et rend les phrases plus lourdes. Comme pour son « Antigone » Anouilh a également supprimé le Coryphée, intermédiaire entre le ChÏur et les personnages.
Rappelons en quelques mots l’histoire. Laios règne sur Thèbes avec sa femme Jocaste. Un fils naît de leur union, mais une prophétie d'Apollon dit que Laïos mourra de la main de celui-ci. Laïos le donne donc à un serviteur avec ordre de le tuer. Celui-ci n'exécute pas l'ordre et abandonne l’enfant à un autre qui l’emporte à Corinthe. Polybe et Mérope règnent sur Corinthe, mais ne savent pas avoir d’enfant. Ils adoptent donc le bébé. Plus tard, pour éviter que la prophétie d'Apollon ne se réalise, œdipe fuit Corinthe de peur de tuer son père. En cours de voyage, il rencontre un vieillard et, suite à une discussion, le tue. Ce vieillard est Laïos ! Œdipe vainc le sphinx et entre dans Thèbes en libérateur. Il épouse Jocaste et en a des enfants, dont Antigone. La prophétie s’est donc tout à fait réalisée, mais ni Œdipe, ni Jocaste ne peuvent s’en rendre compte.
Au début de la pièce nous voyons Thèbes accablée par la peste. Pourquoi la malédiction accable-t-elle ainsi la ville ? œdipe s’engage à punir sans hésitation le meurtrier de Laïos qui en serait le responsable. Faut-il encore le trouver !.Il va le trouver, mais à quel prix !
Comme dans les autres tragédies grecques, il est étonnant de voir la violence qui habite les héros. Ceux-ci injurient et menacent des pires maux sur un simple soupçon. Les temps étaient plus durs et donc les gens plus endurcis. En outre, les héros grecs s'estiment tous être issus de très hauts lignages et, si pas au-dessus des lois humaines, leur éducation fait d'eux des hommes peu habitués à être contredits et sourcilleux quant à leur honneur et à leurs droits. Ils pensaient vite que seuls les dieux pouvaient les abattre. C’est d’ailleurs ce qui fini par arriver.
Créon donnera la leçon de l'histoire à œdipe en lui disant qu'il vaut bien mieux vivre dans l'ombre que d'attirer le regard des dieux par la vaine recherche de la gloire. A trop vouloir celle-ci on trouve la descente aux enfers. C’est surtout sur cet aspect là qu'insiste Anouilh.
Sophocle, lui, insiste davantage sur le fait qu'il est vain de tenter de lutter contre les prédictions des dieux et contre le destin. Aucun humain ne peut connaître son destin et seule la vie vécue pourra le lui montrer. Il termine par cette phrase donnée par le Coryphée : « Gardons-nous d’appeler jamais un homme heureux, avant qu’il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin. »
Anouilh aura aussi modifié un rien son texte afin de mieux le faire coller à des événements de son époque et de permettre aux spectateurs de faire plus facilement les rapprochements. En supprimant les longues tirades du Chœur, il a donné un rythme plus grand à sa pièce, en a enlevé une certaine emphase qui ne collait plus très avec notre époque.
Il n'en demeure pas moins que le texte de Sophocle est superbe !


Oedipe, héros de la démesure 9 étoiles

Le héros Oedipe est sans doute le plus célèbre héros tragique. Son mythe a été réécrit par de nombreux auteurs, la psychanalyse s'est emparé de son nom, mais qui a lu le texte de Sophocle ?

La tragédie s'ouvre sur la peste dont la ville de Thèbes est victime. Le peuple souffre et interprète cette maladie comme un châtiment. Oedipe doit trouver une solution pour rétablir l'ordre dans la cité. Cet ordre, c'est surtout la prise de conscience de son identité et des actes monstrueux qu'il a réalisés, lui qui n'est qu'un faible mortel face à la puissance divine.

Cette tragédie permet au lecteur de suivre l'angoisse grandissante d'Oedipe qui de l'orgueil passe à la colère et finit dans le plus profond désarroi, refusant même de voir la vérité en face car insoutenable.

La présence du Choeur ne fait qu'accroître cette machine infernale, il est à la fois conscience du peuple, confident d'Oedipe et lien narratif, il permet de mieux visualiser la révélation sur l'identité du héros.

De temps en temps, il est plaisant de lire les textes antiques qui ont engendré notre littérature contemporaine.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 1 avril 2012


La complexe histoire d'Oedipe 8 étoiles

Qui a tué l'ancien roi Laïos ?

Il va falloir découvrir le coupable et le punir pour que Thèbes soit enfin épargnée par la peste, puisque telle est l'exigence de l'oracle de Delphes.

L'actuel roi Oedipe organise l'enquête en dépit des recommandations de sages qui le conjurent de ne pas pousser trop loin sa recherche de la vérité, sous peine de faire une bien cruelle découverte.

Mais Oedipe s'entête, accuse tous azimuts, et doit finir par se rendre à l'évidence : Laïos n'était autre que son propre père dont il fut, sans le savoir, le meurtrier. Toujours à son insu, il avait épousé Jocaste, la veuve de Laïos et donc sa propre mère, avec laquelle il avait conçu ses propres frères et soeurs......

Quelle histoire, non ?

Millepages - Bruxelles - 64 ans - 25 décembre 2011


Un classique antique 9 étoiles

C’est une tragédie qui m’a beaucoup passionné. La trame est classique et admirée par les psychanalystes : Oedipe, sans le savoir, tue son père et épouse sa mère, tel que prévoyait la prophétie qu’ils essayèrent d’éviter. Les dialogues sont fluides et je préfère ça aux tragédies rimées de Racine. Pour moi, c’est la meilleure version du mythe.

Nance - - - ans - 19 novembre 2009


une histoire de famille 9 étoiles

je vous laisse découvrir l'histoire à travers la belle critique de Jules.
Oedipe devient le fils meurtrier et incestueux et à la fois père et frère de ses enfants. S’il décide de vivre après la révélation de ses crimes, c'est pour se punir et assumer son destin.

Cette oeuvre est tellement magnifique que je vais m'amuser à la découvrir au travers d'auteurs et d'époques différentes.

Dudule - Orléans - - ans - 9 février 2009


incontournable 8 étoiles

Histoire connue, archie connue...mais mal connue et bien plus complexe qu'elle n'y paraît! Tellement connue qu'on ne peut pas ne pas la lire!

Quand le destin s'interpose...

Prouprette - Lyon - 39 ans - 20 mai 2006


Ah la Tragédie! 7 étoiles

Tragédie avec un T majuscule.
C'est au minimum ce que mérite Sophocle.

Quelle merveille de voir à quel point le destin peut être accablant.

C'est écrit divinement, sans détour, sans chichis et ça se lit très bien.

Babsid - La Varenne St Hilaire - 36 ans - 19 mai 2006


Très possible 8 étoiles

Il est très possible que Absolution soit dans le bon à propos du Coryphée. Sous sa forme antique il est exact qu'il était pour le moins difficile de le laisser car, en général, il alourdit le texte en répétant et en s'étendant sur les situations où les sentiments tessentis par les personnages. Il accentue le message, mais est-ce toujours utile ?...

Au passage, je remercie encore Lucien pour l'excellente critique éclair qu'il a faite en son temps !

Jules - Bruxelles - 79 ans - 11 avril 2005


A propos du coryphée dans Antigone 7 étoiles

Je pense qu'Anouilh n'a pas supprimé le Coryphée dans Antigone, il l'a juste modernisé. Dans l'Antiquité le Coryphée permettait d'accentuer la catharsis, il est évident que les auteurs "absurdes" du XXème ne sont plus à la recherche de cette purgation des passions. C'est pourquoi je penserai plutôt que ce Coryphée est devenu prologue, ayant tous deux des missions différentes, il est légitime qu'il porte des noms différents. Anouilh n'aurait donc fait que de la transposition. Je pense que ce prologue est présent chez tous les dramaturges (s'appuyant sur le modèle antique) de l'époque, sans certitude car je n'ai pas encore lu assez pour ça.

Absolution - Quiévy - 35 ans - 11 avril 2005


Eternité du mythe 10 étoiles

Merci à Jules d'attirer régulièrement notre attention sur les oeuvres géantes qui ont fondé notre civilisation et sans doute, plus généralement, notre humanité. Aucun mythe sans doute n'a davantage marqué notre espèce que celui du fils de Jocaste et de Laïos. Epoux de sa mère, assassin de son père, frère et père de ses propres enfants.
Oedipe brouille les cartes, Oedipe fausse le jeu, fausse le JE... Qui es-tu? L'homme. L'animal qui marche à quatre pattes le matin, à deux pattes à midi, à trois pattes le soir. Oedipe qui mélange les moments de cette journée, trouble l'ordre chronologique en même temps que l'ordre moral. Oedipe qui est inconscient de troubler ces ordres, et qui s'aveugle quand enfin ses yeux s'ouvrent.
Freud a exploité de belle façon le terrible destin du roi de Thèbes, dont les aventures éternelles ont également fait l'objet de nombreuses transpositions modernes. Je pense notamment aux "Gommes" de Robbe-Grillet, où le mythe d'Oedipe est brillamment revisité.

Lucien - - 68 ans - 8 mai 2002