En Sibérie
de Colin Thubron

critiqué par CC.RIDER, le 23 avril 2011
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Le Far-East de la Russie
L'écrivain anglais raconte sa longue traversée de la Sibérie peu de temps après l'effondrement du régime soviétique. Il parcourt ces immensités souvent vides et dépeuplées en utilisant principalement le Transsibérien mais également le bateau sur le fleuve Iénisséï et même l'avion militaire. Son périple l'amène d'Ekaterinenbourg, ville où fut martyrisée la famille Romanov et où leur ombre plane toujours à Vorkouta, « capitale » du Goulag à Omsk, à Akademgorod, ville réservée aux scientifiques aujourd'hui sinistrée sans oublier Irkoutsk qui n'a pas oublié les Décembristes et Magadan en pleine Kolyma de sinistre mémoire. C'est dans cette immensité glaciale que les communistes envoyaient à la mort les opposants en les faisant trimer dans des mines d'or ou d'uranium radio-actif sans leur donner grand chose à manger et en les privant d'habits chauds et d'abris décents... Thubron rencontre également les derniers survivants de peuplades oubliées ( Yakoutes, etc...), de dissidents religieux persécutés (Baptistes, Vieux Croyants et même Juifs relégués dans l'inhospitalier Birobidjan).
Un livre passionnant sur une région aussi immense que mal connue, écrit dans le style du célèbre écrivain-voyageur Nicolas Bouvier. Le lecteur a un peu l'impression d'explorer un à un tous les cercles de l'enfer communiste (« Kolyma est le pays où le soleil n'a pas de chaleur, les fleurs pas d'odeur et les femmes pas de coeur », dit-il). L'auteur s'attache à faire oeuvre didactique en s'intéressant aux aspects géographiques, économiques, historiques, religieux et politiques de tous les lieux parcourus. Il s'efface tant derrière son sujet que les anecdotes sont plus que rares. Heureusement, elles sont remplacées par des rencontres avec des personnages étonnants et insolites. La Sibérie est un peu le « Far-East » de la Russie, les Cosaques sont ses cow-boys et les Vieux Croyants, ses Amishs ou ses Mennonites. A croire que les grands espaces suscitent des êtres d'une trempe sortant de l'ordinaire.
Prix Nicolas Bouvier 9 étoiles

« Si la Sibérie était détachée de la Russie, elle resterait de loin le plus grand pays du monde. Avec ses quelque treize millions de kilomètres carrés, sa surface dépasse le total de celle des États-Unis (Alaska comprise) et de l’Europe occidentale. » Ce territoire immense et méconnu, l’anglais Colin Thubron l’a traversé quelque temps après l’effondrement du régime soviétique et il en a rapporté ce récit captivant. Voyageant à bord du transsibérien ou utilisant d’autres moyens de locomotion, l’écrivain-voyageur s’est efforcé de ne rien laisser de côté, autant qu’il lui était possible étant donné l’immensité du territoire.
Quoi qu’il en soit, en parcourant de telles étendues mais en s’attardant dans des lieux emblématiques, l’auteur nous aide à percevoir quelques-unes des réalités les plus significatives et, souvent aussi, les plus tragiques de la si vaste Sibérie. Car, aussi gigantesque soit-elle, cette terre est marquée de souillures, de pollution et de souffrances dont la somme est telle qu’elle dépasse ce que nous sommes capables de compter.
Dès Ekaterinbourg où furent massacrés les membres de la famille Romanov, Colin Thubron souligne l’aspect tragique du territoire sibérien. Si la famille impériale mourut assassinée, en bien d’autres lieux, ce sont des gens de toutes conditions qui furent déportés et moururent à la peine dans des mines d’or ou d’uranium. À Vorkouta, à Omsk, à Akademgorod, à Irkoutsk, dans la sinistre Kolyma, combien d’hommes périrent dans les goulags et dans les conditions les plus effroyables.
Comme c’est justice, l’auteur s’attarde longuement sur ces pages épouvantables de l’histoire de la Sibérie. Mais son récit abonde également en rencontres mémorables. Colin Thubron se fait un devoir de rencontrer des habitants, en particulier les membres restants de peuples oubliés ou méconnus comme les Yakoutes ou les Bouriates, tout comme il s’attache à faire mémoire des dissidents religieux qui tentèrent de fonder des communautés en Sibérie afin d’échapper à leurs persécuteurs. Ce fut le cas de ceux qu’on appelle, chez les Orthodoxes, les Vieux-Croyants. Mais il y eut aussi l’implantation d’une communauté baptiste ainsi que de communautés juives. Notons aussi la longue évocation que fait l’auteur à propos des chamans.
Prix Nicolas Bouvier en 2010, le livre de Colin Thubron, s’il prend le temps d’analyser les multiples aspects (géographique, historique, politique, économique, religieux) du territoire visité, ce livre se savoure aussi et surtout parce qu’il est écrit par un conteur de talent et par quelqu’un qui, manifestement, ne se contentait pas de visiter des lieux mais se plaisait à rencontrer des personnes.

Poet75 - Paris - 67 ans - 4 septembre 2023


Quel beau et grand voyage. 9 étoiles

Je vais être clair tout de suite, cette critique va souffrir d'un manque d'objectivité car la Sibérie me fait rêver.
Plus exactement ses grands espaces, sa vie sauvage, son mysticisme et également elle m'inquiète par son passé et son avenir.
Aléoutes, Bouriates, Etelmènes, Tatares et Yakoutes sont quelques peuples parmi les autres qui peuplent cette immensité.
Déjà ces noms font rêver.
L'auteur a la grande délicatesse de livrer un récit de voyage sans parti pris.
Il traverse la Sibérie d'ouest en est, traverse les grandes villes, les villages reculés, les vestiges des goulags.
Rencontre des anonymes, des savants, des chamans, des communistes nostalgiques et des vieux croyants.
Il évoque les chances géologiques de cette région aux réserves de pétrole, de gaz et de diamants supérieures à l'Afrique du Sud.
Trop loin de l'ouest et pas assez près de l'est, isolée mais rattachée la Sibérie a un destin contrarié.
Il y a un air de Ermites dans la taïga et de Des nouvelles d'Agafia qui m'avaient charmé.
La grande réussite de ce récit c'est de nous embarquer sur le transsibérien et de nous balader au coeur de ce territoire exceptionnel.
Amateurs de récits de voyages, de mysticisme, de politiques ( Ah ! le carnage du communisme dans cette contrée), vous serez époustouflé. Il n'y a rien à jeter dans ce livre.
Je note surtout la grande réussite de l'auteur anglais pour traiter d'une région et de peuples de manière aussi délicate.
Il y a beaucoup à dire, le mieux c'est de le lire.

Hexagone - - 53 ans - 6 mars 2017