Duel
de Christine Ockrent

critiqué par Shelton, le 18 avril 2011
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
C'est le livre à lire dès maintenant !
Je sais que certains expriment tout haut l’idée que nous ne serions plus, du moins en France, en démocratie. Oui, je sais cela peut en surprendre plus d’un, mais l’idée développée serait que l’argent, les médias – la télévision en particulier – et les modes auraient perverti définitivement nos mentalités au point de nous laisser voter sans choisir, selon des consignes que nous n’aurions pas entendues ou lues… Exit la démocratie, bienvenue dans la « médiacratie » française que certains nommeront sans aucun scrupule « médiocratie »… Mais je ne suis pas convaincu par ce discours si partagé soit-il. Je crois et continue de dire, enseigner et partager que notre régime, à défaut d’être le meilleur, n’est au moins pas le pire et que nous avons de la chance d’être dans un régime où nous avons la possibilité de nous exprimer… Je ne parlerai pas de gauche et de droite, car je sais que ces mots, ces clivages, issus de la Révolution Française ont perdu de leur pertinence. Je préfère puiser dans ma mémoire, dans mon vécu, quelques exemples qui prouveraient que cette liberté existe bien. En 1974, un jeune ministre, plus centriste que gaulliste, se présente aux présidentielles et triomphe alors que quelques mois avant sa candidature faisait sourire les barons du gaullisme. En 1981, un président sortant, sûr de lui et hautain cherche à donner des leçons de politique à un vieux briscard de la quatrième et de la cinquième et il est renvoyé dans ses foyers. En 1988, après une forme d’échec économique et politique des socialistes, après une cohabitation que la constitution n’avait pas envisagée sous cette forme et malgré une grenouille qui fait rire la France, François Mitterrand est réélu président de la politique française. En 2002, le candidat socialiste, premier ministre en titre d’un des meilleurs gouvernements des trente dernières années – je ne parle pas là d’un avis personnel mais bien du regard que de nombreux économistes portent maintenant sur son passage à Matignon – est candidat aux présidentielles, ne passe pas le premier tour et voit Jacques Chirac, vieux renard sans programme accéder pour une seconde fois à l’Elysée où, d’ailleurs, il ne fera rien… Ces quelques lignes ne sont pas là pour me permettre de dire qu’à mon âge… Non ! C’est simplement pour vous inviter à lire un ouvrage qui va dépasser ces remarques de comptoir – Roger, tu me remets un petit blanc – et ouvrir une réflexion d’une autre nature : et si ces élections se décidaient à la télévision ?

Le point de vue de Christine Ockrent est plus complexe que cela car elle ne part pas avec des idées préconçues, elle observe et analyse les débats opposant les deux qualifiés du second tour en 1974 et 1981. Bien sûr, son idée était de dire ce qui pourrait se passer en 1988, date de l’écriture de son essai… Plus facile pour nous de porter un jugement car on a la réponse à ses interrogations !

Dans le début de son ouvrage, j’ai particulièrement apprécié le fait de parler du débat qui a opposé Kennedy et Nixon. Je pense que c’est important de montrer que ces débats télévisés, véritables institutions dans les démocraties, provoquent à chaque fois des changements profonds dans la tête des électeurs. Sans ce débat médiatique, jamais un président catholique et démocrate n'aurait pu être élu… Il n’était pas le favori, il avait tout contre lui, ou presque… Et, non seulement il a été élu, mais en plus il a été populaire… Je parle bien avant de devenir un martyr avec son assassinat !

J’ai bien apprécié cet ouvrage, j’ai compris petit à petit comment François Mitterrand avait tiré les enseignements de son échec de 1974 pour triompher en 1981, comment toute la classe politique a compris le fonctionnement de la télévision… Et je me suis dit que si chacun lisait des textes de cette nature cela permettrait probablement de désarmer les candidats des prochaines présidentielles, de rester plus libre encore, voir de faire triompher, non le meilleur au petit écran mais celui dont le programme serait le plus juste, le plus humain, le plus porteur d’avenir… mais là, je dois rêver un peu ! En tous cas, un essai comme on n’en voit plus beaucoup qui analyse de façon très factuelle ces élections du passé et qui me donne envie de brancher un étudiant pour travailler dès la rentrée sur celles qui arrivent…