La catastrophe des mines de Courrières
de Auteur inconnu

critiqué par Gregory mion, le 17 avril 2011
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Voyage au bout de la mine.
Ce livre constitue un précieux document de l’histoire minière de France. Il rappelle, après la folie médiatique du Chili (mais d’une certaine manière en anticipant deux fois les événements souterrains sud-américains : les éditions L’œil d’Or ont publié cet ouvrage en 2006 à l’occasion du centenaire de la catastrophe qui endeuilla Courrières, le Pas-de-Calais, et par extension le pays tout entier), que les valeurs humaines ne sont pas nées sous le regard inquisiteur des caméras de télévision. C’est donc un livre somme malgré la modestie du nombre de ses pages, qui s’ouvre par une préface pudique d’André Dubuc, directeur du centre historique minier du Nord-Pas-de-Calais. On y apprend qu’à l’aube du 10 mars 1906, à la Compagnie de Courrières, une explosion secoua le puits numéro 3. Très rapidement la confusion gagne du terrain, insufflant un scepticisme de rigueur aux esprits scientifiques de l’époque, sans parler du logique désarroi des esprits très subjectifs. Des vagues de survivants réussiront à se frayer un passage parmi les menaces létales qui envahissent les entrailles de la mine. Mais ce seront les survivants de la dernière heure qui bénéficieront des plus grandes attentions. Comment expliquer que des mineurs aient pu survivre trois semaines ou davantage au fatal ensevelissement de leurs vies ? Un fabuleux entrelacs de témoignages nous indique les conditions de possibilité d’un tel instinct de survie. En fin de compte, ce ne sont pas tant les potions magiques de l’individualisme que les improvisations collectives qui ont galvanisé l’esprit de ces enterrés vifs ! Le lecteur, au détour de cette odyssée des fondations, découvrira notamment l’importance du rôle des chevaux pour l’organisation d’une mine, tout comme il verra que la fin du règne équestre en ces domaines n’est pas si ancienne que cela. On ne manque pas non plus de nuancer l’amour altruiste de ces grappes humaines ; ce sont finalement toutes sortes d’amours qui se jouent dans ces caveaux noircis de houille : tantôt l’éros pur, tantôt la philia de l’amitié, et puis, nous le disions, l’agapè des altruistes, en somme la combinaison presque nécessaire d’une remontée à la surface quand les repères humains réclament un rassemblement de forces vives. Enfin, soulignons que ces épisodes héroïques, n’ayons pas peur de le dire, sont illustrés avec brio par le crayon habile de Sarah d’Haeyer, qui a plongé son talent dans les documents de naguère afin d’en retirer une puissance d’expression dépourvue d’artifices. On en sort finalement aussi épuisés que ces personnalités respectables, mais contents de les avoir croisées en des profondeurs instructives.