Le Mobilier national
de Laurence Cossé

critiqué par Elya, le 11 avril 2011
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Le patrimoine français au coeur de l'action
La couverture de ce livre, digne de l'oeuvre d'un enfant de 10 ans, et son titre se référant dans ma tête à l'histoire de France, m'avait fait le délaisser depuis quelques années, au profit de lectures qui me semblaient plus modernes, fraîches, et moins intello. Ce sans compter le vocabulaire du résumé : patrimoine, cathédrale, Moyen-Age... des thèmes qui sont loin de m'être cher. De plus j'avais déjà lu Laurence Cossé qui construisait son récit autour d'un univers beaucoup plus attirant, celui des librairies, et elle ne m'avait pas particulièrement séduite.

J'ai bien fait de me laisser finalement intriguer par cette histoire.
Le responsable du patrimoine au sein du ministère de la culture (Truffeau) se voit chargé de régler le problème des cathédrales en France : elles se détériorent à chaque saison, leur réparation creuse un trou dans les finances publiques, sans compter le nombre d'heures qu'il est censé y consacrer. A peine un chantier est terminé qu'il faut en commencer un autre. Pire, des dizaines sont en cours et ne finiront jamais. Mais qu'apportent finalement ces cathédrales concrètement ? Certaines ne sont visitées qu'en été par quelques milliers de touristes, délaissées toute l'année car ouvertes quelques heures par semaine, et snobées le reste du temps par les villageois. Certaines sont architecturalement bien moins belles que bien d'autres constructions détruites sans trop de questionnements. Mais le caractère religieux de ces constructions prime sur tout le reste dans l'inconscient collectif : "comment, détruire une cathédrale ? Quelle honte !".
Voilà certaines des questions qui foisonnent dans l'esprit de Truffeau et qui lui font peu à peu abandonner sa vie confortable d'homme marié, fonctionnaire aisé, propriétaire, père. Des plans pour remédier à ce problème vont alors se dessiner, nous entraînant dans une intrigue pleine d'actions et de suspense. Sauf la fin, très décevante et que l'on voit venir, tout en se disant "ce ne peut pas être ça, ce serait trop bateau". Et bien si.

Finalement, c'était un sujet intéressant à aborder pour pointer le doigt sur certaines aberrations budgétaires auxquelles on ne pense pas au premier abord. Mais aussi sur notre société matérialiste, chauvine et toujours insatisfaite, et dont la critique est plus aisée que des propositions de solutions de substitution.
Laurence Cossé s'est en effet très bien documentée, pas une cathédrale en France ne lui a échappé. Aussi seriez-vous sûrement ravi de lire un petit mot sur la cathédrale d'une ville vers laquelle vous habitez. Plus d'une cinquantaine sont citées, en région parisienne mais aussi en province, accompagnées d'une petite caractéristique qui vous fera sans doute sourire ; tantôt délaissée, bancale, moche, ces cathédrales ont finalement toujours un mot à nous faire dire.
Comment sauver les cathédrales 9 étoiles

Jean-Léger Tuffeau, dit JF, est chargé au ministère français de la Culture de la conservation des cathédrales. Si elles représentent un gouffre financier, son administration n'est pas à même budgétairement d'avancer la somme suffisante pour tout sauver, seulement à peu près un quart. Il s'avère donc, au grand dam du protagoniste, incontournable de hiérarchiser. Il expose ici et là son dilemme cornélien, bataille avec Bercy, le ministère français des Finances, pour limiter la casse. Ce dernier veut bien tout faire pour les bâtiments qui attirent massivement des touristes, les autres pouvant continuer à se décrépir allègrement, la communication autour étant à peaufiner. Et notre Tuffeau se met à se battre comme un beau diable contre cet état de fait qui le scandalise.
Le ton employé est enjoué, assez drôle, parfois proche des scénarios de Michel Audiard, la thèse apparaît séduisante, autant qu'inattendu, dans ce quasi-polar artistique et administratif. Le thème érige une oeuvre originale, qui devient en réalité un essai à peine déguisé pour pousser un cri d'alarme, que je partage. Il s'ensuit que j'aurais bien aimé en savoir un peu plus.

Veneziano - Paris - 46 ans - 20 juin 2020