Un lieu nommé Oreille-de-Chien
de Iván Thays Vélez

critiqué par Christian Palvadeau, le 21 février 2011
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Réconciliation impossible
Le narrateur est un journaliste péruvien qui a connu son heure de gloire à la télévision avant de déchoir et de se retrouver à travailler pour la presse écrite, lui qui semble pourtant se défier des mots (« Les mots sont assommants. », « Les phrases toutes faites ont plus de valeur que les phrases extraordinaires. »). Fujimori a été remplacé à la tête de l’état par l’indien Toledo qui achève son mandat tandis que l’heure est à la découverte de charniers. Notre journaliste, flanqué de Scamarone, un photographe alcoolique, cynique et aussi volubile que l’autre est taiseux, est envoyé par son journal pour assister au lancement d’une opération quelque peu populiste voulue par le gouvernement et qui consiste à distribuer de l’argent à des paysans d’un village symbolique. Ce lieu nommé Oreille-de-Chien, froid et aride, perché à plus de 3000 mètres d’altitude sur la Cordillère des Andes, a connu les tueries aussi bien du Sentier lumineux que de l’armée régulière péruvienne.

Là, notre protagoniste, accablé par de fréquentes nausées provoquées par le mal des montagnes, se livre à une introspection en règle, coincé qu’il est entre un passé qu’il rumine, décès de son jeune fils, Paulo, désagrégation de son couple avec Monica, et un présent, rencontre de la mystérieuse indienne Jazmin et de la belle anthropologue Maru, qui ne réussit pas à lui dessiner un avenir. Il voudrait repartir à zéro, oublier, être amnésique, peut-être est-ce aussi le rêve de ce pays qui veut tourner la page et se réconcilier avec lui-même. Mais il ne peut pas, n’y arrive pas, « la mémoire est une espionne ».

Thays offre ici un roman indiscutablement traversé par une atmosphère vraiment particulière. Ce village est très présent tout en ayant un caractère irréel. Ca vaut le détour…

Christian Palvadeau