Monsieur Ho de Max Ferandon

Monsieur Ho de Max Ferandon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Calepin, le 5 février 2011 (Québec, Inscrit le 11 décembre 2006, 42 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 904ème position).
Visites : 3 050 

D'une grande profondeur

4e de couverture : Dans un pays où être vivant signifie être plusieurs, Monsieur Ho mène une existence tranquille de menu fonctionnaire invisible. Pourtant, quelque part dans le Très-Haut, on a d’autres projets pour lui, et il se retrouve bientôt à la tête d’une entreprise aussi vaste qu’insensée : un recensement de tous les habitants de la Chine. Monsieur Ho voyagera en train à travers un pays pluriel, obsédé par l’avenir et oublieux de son passé, où l’opulence et la corruption côtoient la misère des campagnes. Humain avant d’être fonctionnaire, ce fils d’un paria de la Révolution culturelle qui voue en silence un amour interdit aux mots ne pourra échapper au doute et ses états d’âme prendront peu à peu le pas sur son devoir. Il faudra une panne à la fois mécanique et existentielle en Mongolie intérieure où, quarante ans auparavant, son propre père a disparu, pour que ce comptable apprenne à compter véritablement jusqu’à un.

À la fois reportage surréaliste et fable grinçante sur la face cachée de l’Empire de tous les secrets, Monsieur Ho érige un rempart contre la bêtise en y opposant une lucidité douce-amère parfumée d’une subtile poésie.

Mon avis : Découvert par le biais du petit recueil de nouvelles La roue et autres descentes, Max Férandon publie ici son premier roman. Et quel premier roman ! Bien qu'on y critique ouvertement cette société qui sort à peine du communisme, où la parole et la liberté de pensée sont encore troubles, j'y ai trouvé quelque chose de beaucoup plus profond. Pour moi, j'ai vu un livre très intériorisé, une réflexion poético-existentielle sur la solitude, sur le besoin de se définir une existence propre en dehors du moule sociétal hermétique. Férandon a une très belle plume, imagée, comme en témoigne l'incipit : « Le jour entrait dans une nuit à court d'arguments. »

Je n'ai pas toujours saisi le sens profond de tous les passages, en particulier celui où monsieur Ho part avec un compagnon explorer une voie ferrée désaffectée. Il y cherche une vérité, quelque chose que la Chine qu'on présente au monde a oublié, ou plutôt veut oublier. Toutefois, il s'en dégage une profondeur si belle que j'ai de la difficulté à la décrire. Sincèrement, un auteur à surveiller.

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Le Recensement de la population chinoise

8 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 13 avril 2017

On ne connaît de la Chine que peu de choses en fait. On connaît le boom économique qui a mis le pays sur la mappe. Les jeux Olympiques de Pékin ont révélé la face glorieuse de la nouvelle star. Par contre, Max Férandon, un auteur d’origine française vivant au Québec depuis fort longtemps, s’est appliqué à dévoiler la face sombre de la Babylone contemporaine à travers Monsieur Ho, un commissaire mandaté pour recenser la population du Soleil Levant. Comme elle s’élève à 1 milliard, 373,000 millions d’habitants, la tâche s’annonce monumentale.

Monsieur Ho est un homme de la Révolution culturelle de la Chine de Mao, qui a dispersé la population aux quatre coins cardinaux du pays pour mettre au rancart le surplus humanitaire qui entravait l’utopie de ce visionnaire trop illuminé. La déportation a souvent servi les conquérants. On a regroupé des populations sur des territoires plus vastes que celui que l’on voulait développer en leur promettant de les aider. Quarante ans plus tard, elles attendent toujours les subsides gouvernementaux. Ainsi le recenseur de l’État s’est retrouvé devant des Chinois ignorant leur origine. On a procédé comme au Canada, qui a oublié lui aussi un contingentement d’autochtones qu’il a largué sur la Terre-de-Baffin dans l’extrême nord du pays sans mentionner le nom de l’expéditeur.

C’est dans un train brinquebalant que Monsieur Ho parcourt le pays en suscitant la curiosité partout où il s’arrête avec ses acolytes. Il est reçu avec une déférence dosée de crainte et d’espoir. Enfin, Deng Xiaoping s’apprête-t-il à combler leurs manques ? Après avoir traversé la clinquante Shangaï, il visite une prison où il se doit de recenser ceux qui y sont incarcérés aléatoirement. Répondre aux critères idéologiques entraîne des purges injustifiées. Comme les prisonniers sont des Chinois, il dénombre cette population carcérale. Plus loin, le train est stoppé par des hommes oubliés par les services sociaux qui leur ont ordonné de planter des arbres au milieu de nulle part. Il faut occuper son monde. Après une entente, le train file vers la Mongolie jusqu’à la fin de la voie ferrée construite pour déporter les indésirables parce qu’ils ont créé une surpopulation difficile à desservir. Du même coup, on fomente l’illusion d’une habitation qui s’étend à la grandeur du pays afin de décourager ceux qui voudraient empiéter sur les terres de la Chine.

Derrière ce recensement se cache le but ultime de Monsieur Ho, soit celui de s’allier à son père jadis kidnappé par les Gardes rouges pour peupler tout le territoire. Coupé de son géniteur, il attendait que se réalise la promesse qu’il lui avait faite en le quittant : « Je viendrai te rechercher. » C’est le fils qui va maintenant à sa rencontre grâce à un chef d’une gare désaffectée duquel il apprend que les corps des premiers colons décédés ont été enterrés sous les rails afin de faciliter le passage des trains qui circulaient, il y a des décennies, sur des voies ferrées mal ou pas entretenues. Monsieur Ho saisit le silence de son père. Pour lui, il veut poursuivre son recensement afin de démontrer l’ampleur d’un déracinement insensé.

Avec un certain humour, l’auteur se fait un brin délateur d’une ère peu glorieuse de la Chine. Ses personnages participent tous à cette campagne visant à dépoussiérer les souvenirs avant qu’ils ne prennent le chemin des oubliettes. Max Férandon décrit fort élégamment comment un pays s’est pris pour se doter d’une auréole confectionnée à partir de la mort de ceux que l’on n’a pas trucidés mais dont on s’est servi pour se dépêtrer d’un enjeu à priori impossible.

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