Red Queen
de Matt Ridley

critiqué par Oburoni, le 31 janvier 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
La Reine Rouge
Reine du monde étrange présenté dans "De l'autre côté du miroir" de Lewis Carroll, la Reine Rouge est aussi un principe scientifique proposé pour la première fois par Leigh Van Valen, professeur de biologie et d'écologie à l'Université de Chicago pour expliquer la coévolution entre espèces. Le principe en est simple : tout comme le monde sur lequel règne la reine rouge dans lequel il faut courir pour rester sur place, tout organisme est ce qu'il est et se comporte de la manière dont il se comporte parce qu'il est engagé dans une course, à la fois contre ses congénères, ses prédateurs et/ou ses proies et ses parasites et/ou ses hôtes. Comme dans l'univers de Lewis Carroll on reste, la aussi, sur place puisque que si les organismes évoluent contre leurs compétiteurs ces derniers, eux aussi, évoluent, au même rythme, pour ne pas s'éteindre.

Ce principe date de 1973 seulement, il a pourtant déjà transformé la biologie, éclairant d'un regard nouveau et radical notre perception du vivant.

En effet puisque les gènes sont au coeur de l'évolution, ce qui en fait le moteur, pour comprendre notre nature il faut donc comprendre, avant tout, quels intérêts ont ceux-ci à se servir des organismes qui les véhiculent de la façon dont ils s'en servent, pour assurer, générations après générations, leur survie. En clair : pourquoi cette survie passe, en ce qui nous concerne, par une reproduction sexuée impliquant deux genres sexuels, mâle et femelle ? Pourquoi l'on ne se clone pas ? Pourquoi uniquement deux genres ? Des questions de base cruciales qui semblent déroutantes, mais auxquelles, pourtant, la Reine Rouge apporte des réponses.
Elles constituent la première partie du livre, de la biologie pure qui ravira les amateurs de génétique.

Matt Ridley, brillamment, ne s'arrête toutefois pas là.

Il montre aussi à quel point les retombées de la Reine Rouge sont importantes, allant bien au-delà de la simple biologie (notre nature) pour s'étendre à ce que nous sommes et nos comportements (notre culture).
On entre alors dans la deuxième partie du livre où l'auteur expose, modestement, en quoi les conclusions de la génétique se répercutent en plein sur les sciences humaines, de la sociologie à l'anthropologie en passant par la psychologie. Il explique pourquoi, par exemple, dans le fond c'est toujours le même schéma culturel qui se reproduit invariablement dans toutes les sociétés humaines (hiérarchie, monogamie hétérosexuelle...), ce malgré des différences de formes.

Un livre fascinant, détaillé et pointu, certes, mais l'auteur prenant le temps d'introduire simplement les concepts importants avant d'entrer dans les détails le tout reste malgré tout largement accessible aux amateurs qui sont prêts à fournir un effort. Rien d'insurmontable, en somme, pour une grande récompense : un regard nouveau sur le dialogue nature-culture, inné-acquis, le tout s'articulant autour de ce grand mystère qu'est le sexe. Passionnant.