Quand la misère chasse la pauvreté
de Majid Rahnema

critiqué par Sahkti, le 30 janvier 2011
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Rien de pire que la misère, même au soleil
Le monde dans lequel nous évoluons est complexe. Complexe à construire, complexe à suivre, complexe à comprendre.
Prenons la pauvreté par exemple ? C'est quoi exactement ? Et la misère, est-ce la même chose ?
Il est légitime de s'interroger sur ce monde qui multiplie les campagnes contre la pauvreté et qui n'a pourtant jamais laissé autant de gens sur le côté des routes.
Aider ne serait-il qu'un moyen de se donner bonne conscience, un procédé inefficace ou pire encore, une volonté cachée de creuser le fossé car en assistant trop, on empêche de voler de ses propres ailes ?

Le regard posé sur ce thème par Majid Rahnema est intéressant à plus d'un titre, car il n'entend pas nous présenter un essai scientifique ou une vérité absolue. Non, il se contente de s'interroger et c'est déjà pas mal, tant son verbe respire le bon sens. Le bons sens et la désillusion, souvent amère, face à nos comportements.

Quelles sont les formes de pauvretés ? Sont-elles toutes issues de mêmes causes et peut-on y appliquer un remède universel ? A ces questions s'esquissent dans nos esprits des réponses qui paraissent aller de soin mais en y regardant de plus près, on constate rapidement qu'il n'en est rien.
La richesse matérielle n'est pas (ne doit pas être) une fin en soi; l'objectif doit être avant tout humain et social. Mais penser de la sorte n'est-il pas utopique, voire candide ou carrément stupide ?
Lorsqu'on se réfugie derrière les richesses matérielles supposées nous protéger de tout et nous apporter le bonheur, n'est-ce pas quelque part qu'on évolue dans un monde terriblement dangereux, dans un monde qui nous prive de toutes les ressources sociales, celles qui nous permettraient l'épanouissement en lieu et place de l'argent ?

Majid Rahnema a côtoyé toutes sortes de pauvretés, il a tenté de les comprendre dès la base, il a observé comment peu à peu la misère a pris le dessus sur tout cela, pourquoi l'entraide s'est transformée en assistance.
A travers les religions et les philosophies, à travers l'Histoire, il analyse nos modes de croissances, nos développements personnels et collectifs; il établit des liens, en tire quelques conclusions. Avec au bout du compte peu de raisons qui nous permettraient d'être fiers de nous.
On dit que quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que lui donner un poisson. Sauf que pour pêcher, il faut avoir les moyens de disposer d'une canne à pêche, il faut trouver un fleuve libre d'accès dans lequel il reste du poisson.
Tant que la pauvreté donnait à la solidarité ses lettres de noblesse et une réalité certaine, elle pouvait être considérée comme une richesse, mais lorsque l'économie est venue se mêler de tout cela, lorsque les rapports de production ont bouleversé les rapports sociaux, c'est la misère qui a pris le dessus, l'incapacité de répondre aux besoins premiers.

Intéressant à plus d'un titre, disais-je à propos de Majid Rahnema, car il est iranien, homme du sud, voisin de la misère sociale la plus profonde. Mais il est aussi diplomate, membre du programme des Nations Unies contre la pauvreté, voisin de ces grands décideurs qui peuvent influencer les choses. Un homme entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux visions des autres et de nous-mêmes.
Il dénonce les inconvénients de notre monde économique, il prône les vertus spirituelles d'une vie plus démunie, avec de ci de là un trait qui me paraît parfois exalté, ne tenant pas toujours compte des réalités de terrain. Le changement doit certes venir de l'intérieur mais comment le rendre possible lorsque cet intérieur est en tous points décliné par l'extérieur ? Majid Rahnema n'apporte pas vraiment de réponses sur ce point et c'est dommage mais son essai a le mérite de remettre les pendules à l'heure sur nos comportements.