L'édit de Caracalla ou plaidoyer pour les Etats-Unis d'Occident
de Xavier de C, Régis Debray

critiqué par Bolcho, le 3 avril 2002
(Bruxelles - 75 ans)


La note:  étoiles
«(...)prospérer avec un crétin décoratif (...)» ?
Thèse centrale : puisque nos valeurs et celles des Etats-Unis sont les mêmes, et que de toute façon Washington décide déjà pour nous, il vaut mieux faire officiellement partie de l’empire américain. On aura au moins le droit de vote. « S'américaniser au XXIe siècle, c’est comme se romaniser au Ier ».
La personnalité de Bush fils pose problème ? Non : « L'avantage d’un empire, intellectuel collectif, c'est de pouvoir prospérer avec un crétin décoratif à sa tête ». Et puis « N’importe quelle Rome, vue des coulisses, a les ridicules de Clochemerle », n’est-ce pas. Ce sera l’alliance du soap opéra et de Visconti, de Disneyland et d’Oxford, de la quantité et de la qualité. Sous le plaidoyer apparent, quel mépris pour les USA !
Mais aussi, quelle volée de bois vert pour l’Europe ! Voyez plutôt. « Dans votre simili union, les lieux de pouvoir réel -banque centrale, commission, directions générales, etc…- ne sont pas démocratiques, et les lieux où s'exerce encore la démocratie n'ont plus réellement de pouvoir ». Pas faux, n'est-ce pas ? « Vos chefaillons issus du suffrage universel, devenu en réalité censitaire (les pauvres s'abstiennent), gesticulent sur une scène de faux-semblants. La guerre et la paix, les normes de droit, la politique commerciale, les grands choix technologiques, le budget, la monnaie leur échappent ». Conclusion : autant élire le président américain qui a plus d’influence. C'en sera fini des « enjeux irréels (voter pour Tartemuche ou bien pour Tartemolle) ». L’ancien conseillé de François Mitterrand n’est-il pas là en train de déposer une pierre ou un gros rocher dans la campagne de Jospin ? Coquin, va !
Et puis, quelle satisfaction d’être Américain ! On appartient à un Etat réellement autonome, lui, qui, par rapport à l’ONU par exemple, est dans une alternative confortable : soit il l’instrumentalise, soit il passe outre.
Je ne suis pas certain que ces envolées lyriques en faveur d’un rattachement de la France et de l'Europe aux Etats-Unis soient très efficaces. Et elles ne veulent pas l’être. Mais la dénonciation des petitesses françaises et européennes est féroce, elle : « Je me souviens du moment où la question israélo-palestinienne devait être réglée (…) dans le cadre d’une Conférence quadripartite (.) entre les quatre grandes puissances. Puis, nous avons réclamé que ce soit dans le cadre plus général des Nations-Unies. Puis, nous avons loué les Etats-Unis d’avoir pris en main la question sans interférences inutiles, et j'ai vu, in fine, à la Conférence de Madrid, notre malheureux ambassadeur écumer les couloirs en guettant la sortie d'un adjoint de sa connaissance à la délégation américaine, pour avoir un tuyau sur ce qui se passait derrière la porte ».
Le procédé de Debray est habile. Il met en scène un personnage, Xavier de C***, prônant le rattachement aux USA. Et il n’apporte pas (ou peu) de réponses à son argumentaire. Il faut bien que nous apportions les nôtres. Voilà qui est pédagogique, non ?
Un livre qui semble vraiment intéressant ! 8 étoiles

"S'américaniser au xxieme siècle c'etait comme se romaniser au Ier" Voilà une réflexion qui frappe et qui mériterait une étude et une analyse bien plus approfondie que celle que ce site ne permettrait. La réponse à une telle question demande en effet d'examiner, en détail, toute une série de paramètres politiques, économiques et historiques. Bien que j'aimerais beaucoup le faire, je crois que ce n'est pas ici qu'une telle réflexion trouverait sa place. Par contre, je serais tout à fait prêt à l'aborder dans un autre cadre.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 5 avril 2002