Philosophes à vendre
de Lucien de Samosate

critiqué par Lucien, le 2 avril 2002
( - 68 ans)


La note:  étoiles
"Peu de couronnes et beaucoup de fers rouges"
Né à Samosate, sur l’Euphrate, en 125, sous le règne d’Hadrien, Lucien s’installe à Athènes où il meurt vers 192, sous le règne de Commode. Ce Syrien du deuxième siècle manie à merveille la langue grecque classique. Avocat et sophiste, il est l’inventeur du dialogue satirique.
Ce petit volume rassemble deux dialogues dont le second fait suite au premier : «Philosophes à vendre» et «Le pêcheur ou les ressuscités».
Dans «Philosophes à vendre», Zeus, le roi des dieux, assisté d'Hermès le dieu du commerce, met en vente au plus offrant, comme des esclaves, les représentants des dix principales écoles philosophiques. Chacun vante sa marchandise et trouve acheteur suivant sa valeur : Socrate et Platon sont vendus chacun pour 120 mines soit 7200 oboles (un esclave ordinaire valait de 3 à 8 mines), Pythagore est adjugé 10 mines, Diogène 2 oboles, Héraclite et Démocrite restent invendus. Irrévérencieux, ironique, satirique, ce dialogue manie la raillerie et le jeu de mots en démontrant à chaque page la maîtrise de la culture grecque classique et des procédés d’argumentation de la rhétorique. En témoigne cet extrait de dialogue entre un acheteur et Héraclite : «- Qu'est-ce que l’éternité ? - Un enfant qui s'amuse : il joue avec les pions, les écarte, les rapproche.
- Et les hommes, qui sont-ils ? - Des dieux mortels. - Et les dieux ? - Des hommes immortels. »
Dans «Le pêcheur ou les ressuscités», les ressuscités sont les philosophes eux-mêmes, revenus des Enfers pour se plaindre d’avoir été ridiculisés par Lucien dans le dialogue précédent et pour demander justice. Quant au pêcheur, il s'agit de Lucien lui-même : après avoir démontré aux philosophes que ce n'est pas d'eux qu’il se moquait mais de pseudo-disciples prompts à monnayer leurs sophismes auprès de riches athéniens, il se transforme en pêcheur pour, les appâtant au moyen de figues et de pièces d'or, attirer dans ses filets les faux philosophes. Ils seront marqués au fer rouge tandis que les disciples sincères et désintéressés seront couronnés par la Philosophie. Mais, comme le constate amèrement Lucien dans la dernière phrase du dialogue : «Il nous faudra peu de couronnes et beaucoup de fers rouges».
Un petit livre amusant qui se présente aussi comme une synthèse des grands courants philosophiques, et qui nous ramène aux racines de notre civilisation. Un livre ancien qui recèle bien des vérités pour notre temps, comme celle-ci que je livre pour terminer à votre méditation : «Les imposteurs sont souvent plus convaincants que les vrais philosophes».