La force du feu
de Bob Mendes

critiqué par Persée, le 30 mars 2002
(La Louvière - 73 ans)


La note:  étoiles
Si on reparlait de Zarathoustra ?
Une lampée de Zarathoustra dans le pétrole, voilà un bien curieux mélange pour ce "thriller" hollandais qui vous surprend comme un vieux genièvre. Un cocktail détonnant, il va de soi. Et, ça va péter ferme, foi de Persée ! Mais ne comptez pas sur moi pour vous vendre la mèche…
Vous serez parachuté dans le feu de l'action dès la première page, puis vous vous retrouverez victime d'une traque haletante qui vous fera fuir à toutes jambes d'Iran en Isra‘l en passant par l'Alaska, histoire de se rafraîchir. Vous assisterez aux chambardements qui ont secoué l'Iran depuis 1953 et, du même coup, vous comprendrez un peu mieux les enjeux d'une lutte pour le pouvoir dont l'arme maîtresse, on le devine, sent le pétrole à plein nez.
Est-ce le caractère volatile de l'or noir qui appelle la religion ? Allez savoir ! Toujours est-il qu'ici, les parfums de l'une se mêlent aux remugles de l'autre. Car, si les prophètes ne connaissaient pas le pétrole, ils avaient déjà leurs idées. Zarathoustra, pour le Zoroastrisme (ou mazdéisme), Mahomet pour l'Islam, etc. Rude concurrence. Et à en croire Mendès, c'était Zarathoustra qui régnait en maître du temps du Shah, à travers une élite de conseillers. Les forces du Bien et du Mal s'affronteront donc, sans que l'on sache tout de suite dans quel camp on se situe. Que voulez-vous : telle est la force du feu : il éclaire autant qu'il détruit…
Tous ces ingrédients sont ici au service de l'action qu'ils pimentent joliment. Elle se déploie tel un bataillon d'infanterie sur un terrain miné, sans qu'on ait vraiment le temps de s'inquiéter de sa vraisemblance. Bien campés, les personnages tiennent la route comme une 4x4 dans la caillasse. Ca vous secoue comme un bobsleigh sur une piste olympique. Ca joue avec vos instincts primaires, vous prend par les sentiments sur un fond de géopolitique bien croqué. Bref, ca vous chatouille de partout : un régal !
L'écriture ? Mendès manie le stylo-caméra, allant jusqu'à nous repasser une même scène, vue sous des angles différents qui l'éclairent à chaque fois un peu plus. Les travellings, avec vue aérienne sur la foule fanatisée qui se répand dans les artères de Téhéran à l'appel de Khomeini, valent le détour. Voilà du cinéma à grand spectacle qu'on risque de retrouver sur les écrans.
La traduction d'Emmanuèle Sandron se fait tellement fluide et transparente qu'on croirait ce livre écrit depuis toujours en français. A dévorer.