Jean le bleu
de Jean Giono

critiqué par Hexagone, le 10 janvier 2011
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Giono porte la parole au vent de la provence.
Ce n'est pas ma première rencontre avec Jean Giono. J'ai déjà lu sa trilogie et j'avais été plus que charmé par le ton, le style Giono. Avec Jean le Bleu c'est d'une autre paire de manches dont il s'agit. Evoquant ses souvenirs d'enfance, mêlant autobiographie, roman, onirisme, divagations littéraires, Giono nous emmène sur des itinéraires dont les sentiers sont bordés de rêves, de contes fabuleux.
Dans ce livre, il dépeint son enfance, l'atelier de sa mère, celui sous les toits de son père cordonnier et les paysages de collines de sa Provence. Son expérience de la vie dans une Provence qui recèle des mystères et des trésors. Ce qui surprend c'est l'apparition de personnages farfelus, fantasques comme ces deux musiciens, ce Gonzales, Franscech et les filles de son enfance. Ces personnages semblent sortis tout droit des rêves que Giono fit enfant. Il les mêle habilement à son autobiographie. Les pages consacrées aux femmes sont empreintes de poésie et de volupté. Celles consacrées au travail de la terre sont fidèles à ce qu'il a pu écrire dans d'autres livres. Enfin les pages, peu nombreuses, de dialogues avec son père sont sublimes d'espoir et de morale. On sent que pour Giono son père a revêtu un importance capitale. Sa mère semble être plus en retrait.
Ce que j'aime dans l'oeuvre de Giono, c'est son humanisme au sens premier du terme, la confiance et l'espoir qu'il place en l'homme. " Rien ne peut être mis en balance avec le coeur d'un homme " lui dit son père arrivé au terme de sa vie. Giono semble avoir fait devise de cette phrase. Il écrit des pages belles comme un évangile, bonnes comme un bon pain. A ce niveau ce n'est plus de l'écriture, c'est de l'art. Un talent que rien ne gâche et qui à son tour insuffle une note d'espoir.
Il me faut cependant mettre un bémol à cette dithyrambe. Effectivement, certaines pages sont difficiles à cerner par le style employé, on ne comprend pas bien où veut nous emmener l'auteur. Certaines longueurs viennent briser le rythme de la lecture et rendent au final ce livre peu abordable pour découvrir Giono.
Roman ? autobiographie ? les deux ... 8 étoiles

"C'est ma vie intérieure que j'ai voulu décrire dans Jean le Bleu. Cette vie qui était essentiellement magique. Je ne pouvais pas la raconter autrement qu'en créant autour de moi les personnages qui n'existaient pas dans la réalité, mais qui étaient les personnages magiques de mon enfance". Tel est le commentaire de Jean Giono, lui même, au sujet de « Jean le bleu »…
« Jean le bleu », un ouvrage plus ou moins autobiographique, donc, publié en 1932 où l’auteur nous invite dans son enfance à Manosque dans la grande maison qui voit s’activer sa mère Pauline, la blanchisseuse et son père, cordonnier.
Du général - une chronique de la vie d’un bourg de Provence au début du vingtième siècle – au particulier – le parcours initiatique d’un jeune garçon - , une évocation qui prend fin au moment du départ pour la guerre de 14.
Finalement, un roman où l’on retrouve les plantes, les arbres, la terre, des hommes, des collines, des femmes, de la douleur, de la douceur… Bref, tout l’univers de Jean Giono.
Même si ce « Jean le bleu » n’est pas l’ouvrage à choisir pour découvrir la prose de Jean Giono, du fait d’une structure quelque peu particulière, il reste un régal pour les « initiés »…Marcel Pagnol ne s’y trompa pas, qui en adapta au cinéma un épisode pour « La femme du boulanger ».

Lecassin - Saint Médard en Jalles - 68 ans - 1 février 2013


Tendresse et noirceur 6 étoiles

Jean le bleu ouvre par cette sublime phrase : « les hommes de mon âge, ici, se souviennent du temps où la route qui va à Sainte - Tulle était bordée d’une épaisse rangée de peupliers ».
Jean Le bleu est un livre à part dans la prolifique œuvre de Jean Giono. Est-ce un roman ou une autobiographie ? Jean Giono évoque les moments dorés de sa jeunesse à Manosque et en invente d’autres. Le père de Jean Giono, cordonnier et immigré Italien tient une place importante. Son image imprègne le livre. C’est le bon samaritain, le guérisseur, le magicien , le protecteur… Celui qui cache dans sa maison un anarchiste en fuite, celui qui sauve un enfant battu… Giono avait envisagé un moment de nommer son livre « le lait de l’oiseau » ou « mon père ce héros ». La mère est plus absente dans l’ouvrage. Elle apparaît peu. Giono était véritablement fasciné par son père et la bonté qui rayonnait de lui. Giono évoque aussi l’homme en noir, le prêtre qui amène des livres, les musiciens itinérants qui lui ont fait découvrir Bach et Haydn. Son séjour à Corbière dans une famille de bergers où il passa trois mois en convalescence. Ses premiers jours au comptoir de l’escompte, la banque où il travailla toute sa vie. Le livre se termine par la perte de son grand ami d’enfance « Louis David » tué en 1915, à la guerre. Giono en fut meurtri profondément. Louis David était son double. Et qui est ce Jean le bleu ? C’est Jean Giono lui même. L’enfant poète aux yeux bleus. Le rêveur et le bleu du rêve aussi. Incontestablement, ce livre réserve quelques trésors. Néanmoins tout comme le fait remarquer Hexagone dans sa critique, je ne conseillerai pas « Jean le Bleu » à quelqu'un qui n’a jamais lu du Giono et qui voudrait s’y initier. En effet, le style peut paraître déroutant, trop lyrique, pas toujours très fluide, voire laborieux. Le genre est particulier. Les différents chapitres semblent être des blocs sans liens les uns avec les autres. On ne sait pas toujours où l’auteur nous mène, ce qui peut provoquer des décrochages de lecture. Néanmoins l’ensemble comporte une certaine unité et il en ressort en fermant le livre un sentiment de grande tendresse.

Chene - Tours - 54 ans - 24 octobre 2012


Un Giono trop sage ? 5 étoiles

J’ai lu presque tout Giono, c’est dire sa place dans mon Panthéon personnel, et pourtant je ne parviens pas à lire celui-ci, plusieurs fois essayé, plusieurs fois abandonné. Est-ce le côté plus lisse et construit, davantage retenu et contraint que ses autres livres, avec ce caractère un peu convenu des souvenirs d’enfance ? Pareil avec Pierre Magnan, d’ailleurs, dont les livres autobiographiques me tombent des mains, alors que j’ai dévoré le reste…

Eric B. - Bruxelles - 57 ans - 10 avril 2012