Et nous sommes à lui de Allan Gurganus

Et nous sommes à lui de Allan Gurganus
(Saint Monster)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Débézed, le 30 décembre 2010 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 7 étoiles
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"Un enfant du pays"

A 8 ans, il part chaque dimanche avec son père sur les routes des deux Caroline pour distribuer des bibles dans les motels qui abritent surtout des amours irréguliers pendant que sa mère s’envoie en l’air avec un vétérinaire aux cheveux filasse aussi blonds que les siens. Mais un jour, après un accident, ils rentrent un peu trop tôt et, malgré les atermoiements du père en cours de route, l’enfant découvre sa mère frétillant sous les assauts du vétérinaire. Il livre alors un rude combat pour faire cesser cette étreinte indécente qui laissera des stigmates profonds au sein de la famille. Après le décès trop rapide et trop brutal de ce père, trop laid et trop gentil, qu’il vénère, sa vie ne sera plus qu’une lourde question concernant sa paternité et celle de son père qu’il essaiera de résoudre, plus tard, quand lui sera à son tour papa de deux adolescentes.

Gurganus a placé le problème de la paternité au sein de ce roman construit comme un road movie initiatique où le père et le fils développent une forte complicité dans la confortable Packard paternelle qui sert de moyen de transport pour répandre la bible chez les pêcheurs qui abritent leurs amours adultérins dans ces motels de convenance, comme si le père avait lui-même quelque chose à expier. Car, dans les Caroline, à la fin des années cinquante, c’est toujours l’Amérique biblique, croyante et puritaine qui vit encore selon la morale des pionniers et le comportement des planteurs qui n’ont pas évacué la ségrégation raciale qui régit encore bien des pans de la vie sociale. « Retournez en enfer d’où vous venez tous. Vous avez une idée de ce que vous nous avez coûté ? Vous n’êtes rien d’autre que des blancs. »

Mais ce problème de la recherche paternelle n’est peut-être qu’un prétexte pour dénoncer toutes les ségrégations provoquées par la race, l’origine, les racines, la couleur, le clan, la classe sociale, … et démontrer que nous sommes tous « Un enfant de Dieu » comme aurait pu le dire Cormac Mac Carthy ou plutôt « Un enfant du pays » comme l’aurait écrit, sans doute, Richard Wright. Et la mère, après la multiplication de ses épousailles, avait peut-être trouvé la solution. « Cette femme insistait sur tout ce qu’elle pouvait avoir de commun avec deux petites-filles qu’elle n’avait jamais vues, des enfants d’une race mystérieuse que Grace se fichait de connaître ou de deviner. » Et pourquoi vouloir chercher le père entre le géniteur, le nourrisseur, l’éducateur, le compagnon de jeu, le complice ? Peu importe, nous sommes nous et non ceux qui nous ont fait !

Voilà la morale que l’on pourrait tirer de ce livre écrit dans un style un peu heurté qui empêche le texte de glisser trop vite vers une histoire un peu trop pathétique. En choisissant ce thème le risque était patent mais l’auteur a évité le piège.

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Les éditions

  • Et nous sommes à lui [Texte imprimé] Allan Gurganus trad. de l'anglais, États-Unis, par Élisabeth Peellaert
    de Gurganus, Allan Peellaert, Élisabeth (Traducteur)
    Plon / Feux croisés (Paris)
    ISBN : 9782259197571 ; 14,25 € ; 01/04/2004 ; 254 p. ; Broché
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