Survivre à travers soi

Quel plaisir de retrouver l'écriture forte d'ysé Ténédim. Avec des mots puissants et une fausse distance dans la narration qui rend certaines parties encore plus percutantes, l'auteur nous conte l'histoire de Constantin, un gosse dont on ne sait quoi faire. Son père crie, sa mère tourne le dos et Constantin observe. Un gosse que tout le monde ne déteste pas, sa mère a même des marques de tendresse envers lui. Parfois. Quand le père ne le voit pas, car il n'aime pas ça. Le père estime que quand on se prénomme Constantin, on doit avoir un comportement exemplaire, impérial évidemment. Alors surnommer son gamin Cons ou Constant comme le font d'autres personnes, faut pas rêver. Le père est dur, il exige le meilleur de son fils. Celui-ci se réfugie dans un coin de sa tête, là où rien ne peut venir le persécuter.

A travers des phrases denses, une narration soutenue dénuée de ponctuation, Ysé Ténédim nous donne à aimer ce gamin. Non pas qu'il soit particulièrement attachant mais il dégage quelque chose de particulier, fort et étrange à la fois, avec une étonnante lucidité sur certains aspects de sa vie. Un regard adulte qui aimerait tant se plonger dans les délices de l'enfance mais se l'interdit car être enfant, c'est parfois être puéril et de ça, il ne pourrait en être question dans son existence.
Le père est un être détestable, autoritaire, intransigeant et pourtant, quelque part, il fait pitié. Il transfère sa réussite sociale sur ses enfants, il a peur à travers eux d'échouer, lui, et exige dès lors qu'ils donnent plus que le maximum pour réussir. Le fils aîné va suivre sa voie mais les deux autres enfants, Constantin et sa soeur, ne l'entendent pas de cette oreille. Pour Constantin, pas question de subir cet étouffement paternel et il ne doit pas compter sur une mère qui préfère jouer les parentes transparentes. Sa soeur capitule à sa façon, en se laissant mourir de faim, tandis qu'il trouve le moyen de préserver des aires de tranquillité mentale; c'est une question de survie.
Outre ce regard implacable et glacial posé sur cette famille déchirée par le plus petit, Ysé Ténédim réussit également à nous faire ressentir le désespoir mais aussi la chaleur humaine de cet enfant qui se protège. Le lecteur devient partie prenante du récit, tant il peut ressentir les émotions des uns et des autres.
J'ai une fois encore apprécié l'écriture sèche de l'auteur, ses mots qui bousculent tout sur leur passage et ce rythme soutenu qui donne tant de force au récit. Un beau travail d'écriture et un ouvrage à lire.

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  Moi tout seul [Texte imprimé] Ysé Ténédim

  de Ténédim, Ysé
  les Contrebandiers
  ISBN : 9782915438222 ; 3,28 € ; 14/10/2010 ; 142 p. ; Broché

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