L'attaque du moulin
de Émile Zola

critiqué par Zagreus, le 23 décembre 2010
( - 40 ans)


La note:  étoiles
La guerre contre la vie
Publiée en 1880 dans Les Soirées de Médan, le fameux recueil collectif de six nouvelles (dans lequel figure notamment Boule de Suif) s'inspirant de la guerre de 1870, L’Attaque du moulin se déroule à Rocreuse, une petite commune fictive de Lorraine. L’histoire est simple: Le père Merlier, meunier et riche maire du village, célèbre autour de son moulin, un soir de juillet, l'annonce du mariage, pour le jour de la Saint-Louis, de sa fille Françoise avec Dominique Penquer, un belge de « mauvais renom », un homme « souple et grand comme un peuplier » qui vient de Gagny, la localité voisine. Les futurs époux s’embrassent, on trinque « bruyamment » et tout le monde rit. C’est une « vraie fête » mais qui s’achève sur l’évocation des débuts de la guerre entre la France et la Prusse : « Cette idée que les Prussiens pouvaient venir parut une bonne plaisanterie. On allait leur flanquer une raclée soignée, et ce serait vite fini. »

Un mois plus tard, c’est la panique : les Prussiens ont battu l’empereur et se rapprochent dangereusement du village. Mais c’est un détachement français qui prend possession du moulin, son capitaine « ravi » déclarant au père Merlier : « Vous avez là une vraie forteresse ». On barricade les maisons et bientôt, une fusillade éclate : l’ennemi s’est caché dans la forêt. Un combat impitoyable s'engage qui dure des heures interminables. Lentement, le moulin « criblé de balles » succombe. Dominique, qui a pris part au combat bien qu’étranger, est capturé. « Pourquoi avez-vous pris les armes? » demande l’officier allemand qui le condamne au peloton d’exécution. Françoise, dans la nuit, supplie son fiancé de s’évader et le lendemain les soldats découvrent à sa place le corps sans vie de l'un des leurs. Qui est le coupable ? On propose alors un horrible marché à Françoise : elle a deux heures pour ramener Dominique sinon son père sera fusillé…

En cinq chapitres concis, Zola nous raconte d’abord une histoire d’amour. Celui, encore naissant, de Françoise et Dominique mais aussi et surtout celui du père Merlier pour son cher moulin, véritable cœur, battant le rythme de Rocreuse. Puis, dans un contraste saisissant dont il a le secret, décrit la destruction de cet amour et de ses symboles (la roue du moulin, la beauté de la nature environnante, le bonheur des fiancés…) Il montre alors toute l'horreur de la guerre et la bêtise des hommes qui se battent. Une nouvelle à la structure efficace, puissante et émouvante, avec une chute terrible, typique de l’art zolien. A noter qu'en 1893, Alfred Bruneau en a fait un opéra célèbre.