Harare Nord
de Brian Chikwava

critiqué par Germain, le 15 décembre 2010
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Dans la peau d'un immigré émouvant et drôle
J'ai déjà parlé dans ces colonnes - voir plus haut "Zigzag" de Olive Senior- de la collection "Ecrits d'ailleurs", chez Zoé, et de tout ce qu'elle entreprend pour exalter notre imaginaire : des livres venus du monde entier, remarquablement traduits, reliés et imprimés avec soin sur du papier de qualité : un semi-velin jaune, bien agréable à parcourir, avec des rabats dans la couverture fort utiles, quand, comme moi, on veut prendre des notes et les conserver à part...

Je n'en suis qu'au deuxième ouvrage et me voilà presque littéralement emballé. Nous n'avons là pas seulement l'étonnante possibilité de vivre d'autres destins, de l'intérieur, sous d'autres cieux, avec la complicité d'autres regards, le tout dans une atmosphère à la fois neuve, rythmée et vivante. Nous y parvenons aussi !

Qu'en est-il au juste avec Harare Nord ?

Son principal protagoniste est effronté, arrogant, manipulateur, incorrect, menaçant et tordu, il est aussi caustique, brillant, un peu sexy et drôle. Il est perdu. Il peut devenir fou. Cet "individu" est fraîchement arrivé du Zimbabwe à Londres, qu’il surnomme Harare Nord, du nom de la capitale de son pays bien aimé. Après quelques semaines chez un cousin peu accueillant, il s’installe dans un squat habité par quatre compatriotes, tous en quête d’une vie à peu près décente. C'est ainsi que la plus jeune des quatre loue son bébé aux femmes cherchant un appartement auprès des services sociaux.
L'auteur a doté son personnage d'une voix hautement singulière et poétique, dérangeante, féroce et caustique. Le lecteur le suit et ne manque pas de sourire quand il lit, par exemple : "Au début, on sait pas quoi se dire chaque chaque. Puis il sourit et me tape tape de son doigt coupé à sa façon joueuse (...) ca fait drôle quand il te frappe frappe avec son doigt coupé".

Olive Senior nous offrait un livre-monde ouvert sur l'opéra de la vie ; Brian Chikwawa, lui, nous plonge dans un bain linguistique émouvant et drôle. Du renouveau et un régal pour le lecteur.