Ecrire de Marguerite Duras

Ecrire de Marguerite Duras

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jules, le 27 décembre 2000 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (24 923ème position).
Visites : 6 237  (depuis Novembre 2007)

Une réflexion intéressante

De la difficulté à l'écriture. Ce livre est coupé en cinq parties, dont trois ont également été des films.
Il s’agit de " La mort du jeune aviateur anglais ", d'" Ecrire " et de " Roma ". Ce n'est pas le cas pour les deux derniers qui sont " Le nombre pur " et " L'exposition de la peinture ". Dans " écrire " Marguerite Duras dit : " Je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et comment on n’écrit pas. " Je voudrais mettre ce texte en parallèle avec le Discours de Suède de Gao Xingjian pour lequel j’ai également fait une critique. Gao Xingjian nous dit que l’écrivain écrit parce qu’il ne peut pas envisager de ne pas le faire. L'écriture est en lui, c’est un besoin quasi physique et qu'il ne pourrait pas vivre sans écrire. Or Duras, un peu plus loin écrit : " C’est un état pratique d'être perdu sans plus pouvoir écrire. " Voilà pour l'écriture, mais qu'en est-il de la littérature ?
Nous serons d’accord, sans vouloir faire du snobisme ou de l'intellectualisme, que tout écrit n’est pas littérature… Gao Xingjian nous disait qu'il y avait " littérature " quand il y avait tentative de dépasser les modes, le temps ou le besoin d’en vivre. La littérature, pour lui, ce n'est pas tout simplement écrire, mais bien tenter de trouver en l’homme et dans le monde ce qu'il y a de commun et d'éternel. Duras écrit : " Il y a encore des générations mortes qui font des livres pudibonds. Même des jeunes : des livres charmants, sans prolongement aucun, sans nuit. Sans silence. Autrement dit : sans véritable auteur. Des livres de jour, de passe-temps, de voyage. Mais pas de livre qui s’incruste dans la pensée et qui dise le deuil noir de toute vie, le lieu commun de toute pensée. " Loin de moi l’idée d'utiliser cette citation pour dire ce qui est un bon ou un mauvais livre. Le bon livre, selon moi, est tout simplement celui qui est lu avec plaisir par celui qui le lit : point. Simplement, il ressort de l'avis de Gao Xingjian, de Duras et de bien d'autres que tout livre n'est pas de la littérature. Cela ne veut cependant pas dire que le lecteur de littérature pourrait être supérieur à un autre lecteur. Ce lecteur-là a tout simplement envie de se poser plus de questions et de tenter d'en trouver les réponses. à supposer qu’elles existent ! Selon moi, cela implique que le lecteur de littérature connaîtrait peut-être certaines difficultés d’être que les autres ne connaîtraient pas. Il me paraît qu’il n'est aucunement nécessaire de s’être torturé les méninges avec mille questions pour savoir comment se comporter en homme lorsque le problème se pose ! L'intelligence du coeur est plus répandue que ne l'est le nombre des lecteurs de littérature !.
J'ai beaucoup aimé son texte, car la difficulté d'écrire et à la fois le besoin de le faire ressortent bien. Je ne résiste cependant pas à insister au passage sur des tournures de phrases qui lui sont bien particulières, fréquentes même, alors que, à l’oreille, elles me heurtent. Un exemple " Et c’était aussi pour les enfants jouer. " ? Le texte de " La mort du jeune aviateur anglais " est essentiellement une réflexion sur la mort en général et celle de son petit frère en particulier. Dans " Roma " nous assistons à la rencontre et au dialogue d’un homme et d’une femme à la terrasse d’un café. Ils parlent de la Rome antique et du Christ. Dans " Le nombre pur ", je n'ai pu m'empêcher d’être heurté par l’importance du rôle qu’elle donne à Staline dans la lutte contre les nazis, responsables de la Shoah. Selon elle, c'est lui qui aurait empêché ces derniers d'exterminer la totalité des juifs d’Europe !. Il ne s’est pourtant jamais gêné lui-même et s'est bien peu préoccupé de leur sort avant qu’Hitler ne l’attaque !… C'est aussi faire bien peu de cas de l’aide des Américains et de la lutte menée par l'ensemble des alliés ! Etre écrivain ne suppose pas d'être bon politique ou bon historien. Sartre était là pour nous le rappeler, si nécessaire !.

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une solitude inhérente à l'écrivain

6 étoiles

Critique de Tyty2410 (paris, Inscrite le 1 août 2005, 37 ans) - 22 janvier 2009

J'ai lu ce livre il y a quelques mois déjà . J'en garde un souvenir assez effacé . Ecrire est intéressant , pour essayer de comprendre . La solitude de l'écrivain est très bien décrite . J'ai vu l'écriture comme un gouffre dans lequel on entre , on ne sait pas ce qui va en sortir . Cette solitude dans cette maison est bien décrite .
Quant aux autres nouvelles j'ai bien aimé la mort de l'aviateur anglais , quant aux autres je n'y ai trouvé que peu d'intérêt

« Je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et comment on n’écrit pas. »

8 étoiles

Critique de Lig (Gouesnac'h, Inscrite le 23 juin 2006, 40 ans) - 27 juillet 2006

Les 5Opages d’Ecrire sont à lire doucement. Et c’est un plaisir (pour ceux qui apprécient le style durassien).
Marguerite Duras nous fait part de sa conception de l’écriture.
On a la sensation d’une explosion ; une sorte d’éclatement du thème – l’écriture selon Duras- en une multitude de réflexions, simples, comme vierges de tout approfondissement. Il m’a semblé lire des phrases lancées rapidement sur le papier, avec, plus ou moins, ce même sujet central.
Cette lecture personnelle, je l’ai trouvée très intéressante car chaque passage est une amorce de réflexion, une invitation à l’approfondir soi-même.

Bien sûr, on est loin de l’essai académique. D’autant plus que l’auteur touche à un sujet très intense et complexe. Et inconnu.
C’est pourquoi on y retrouve quelques contradictions, parmi deux grandes certitudes :
-Ecrire, c’est le Doute. Dans l’idée que l’on ne sait pas ce qu’on va écrire avant de l’avoir écrit : « Ecrire, c‘est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait – on ne le sait qu’après- avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puise se poser. Mais c’est la plus courante aussi. » P53
et
- Ecrire , c’est la solitude : « La solitude, ça veut dire aussi : Ou la mort, ou le livre. Mais avant tout ça veut dire l’alcool. Whisky ça veut dire. Je n’ai jamais pu jusqu’ici, mais jamais, vraiment, ou alors il faudrait que je cherche loin…je n’ai jamais pu commencer un livre sans le terminer. » P19. Passage qui démontre bien le style, et ce coté désarticulé, amorces dont je parle au dessus, et presque constant dans l’écrit.)
L’écriture est une drogue, une maladie et la vie : une cohabitation difficile.

Puis nous continuons avec La Mort Du Jeune Aviateur Anglais, petit texte assez court et touchant, où M.D. lance, de manière éparse, le même thème. L’écriture des sensations à présent, comme le fait d’écrire cette histoire même, sur la Mort d’un aviateur anglais lors de la guerre 39-45, la transcription des sentiments profond, et la difficulté accompagnant l’acte. « C’est ça l’écriture, c’est le train de l’écrit qui passe par votre corps. Le traverse. C’est de là qu’on part pour parler de ces émotions difficiles à dire, si étrangères et qui néanmoins, tout à coup, s’emparent de vous. » P80.

Le lecteur découvre également la sensibilité de la femme devant la mort. La mort d’un jeune inconnu anglais, comme devant celle d’une mouche.
« Et ne pleurer jamais c’est ne pas vivre »

Et des idées jetées à la volée, sur le pouvoir, la capacité d’écrire, et les différentes formes d’écriture…La nouvelle écriture, l’écriture du « non écrit » pour les transcriptions impossibles car trop difficiles du point de vue sensible, comme la mort : « Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Egarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt. » P71
Même s’il elle est bien consciente qu’il est toujours possible d’écrire, mais toujours impossible de transcrire avec exactitude ses pensées, douleurs et simples faits.

Vif, sec...

7 étoiles

Critique de Balamento (, Inscrit le 7 août 2004, 59 ans) - 16 août 2004

Le discours sur l'écriture mené par Duras dans les 50 pages d' "Ecrire" (les trois autres chapitres ne présentant à mon sens que peu d'intérêt si ce n'est celui du remplissage) est mené de façon brève, intime, fulgurante. Une lecture à mon goût largement plus essentielle que tout ce que l'on peut trouver dans "Les mots" de Sartre.

Dans ce livre il n'est nulle question d'être ou de devenir écrivain, ni de faire oeuvre de littérature, ni de gloire : "L'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait rien de ce qu'on va écrire. Et en toute lucidité", mais bel et bien d'une profonde humilité : 'Oui. C'est ça, cette mort de la mouche, c'est devenu ce déplacement de la littérature. On écrit sans le savoir. On écrit à regarder une mouche mourir. On a le droit de le faire.", proche du dépouillement peut-être.

L'envers du miroir

7 étoiles

Critique de L'Auteur (Ciney, Inscrit le 15 octobre 2001, 81 ans) - 8 avril 2001

Effectivement, les tournures de phrases à la Duras sont parfois perturbantes; son obsession du "ça" notamment. Mais c'est intéressant d'entrer dans la psychologie d'un auteur, de découvrir ses écorchures, ses points faibles. Elle se révèle sans fausse pudeur et cela vaut toutes les biographies.

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