Sliver de Ira Levin

Sliver de Ira Levin
(Sliver)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Zagreus, le 26 novembre 2010 (Inscrit le 16 novembre 2010, 40 ans)
La note : 6 étoiles
Visites : 5 243 

Big Brother domestique

En emménageant avec son chat Felice au 1300 Madison Avenue, dans le nouveau Sliver (mot d'argot qui désigne un gratte-ciel à la façade étroite car construit sur une petite bande de terrain) de Manhattan, dans Carnegie Hill, le quartier huppé de l’Upper East Side, Kay Norris, brillante éditrice, va enfin habiter une adresse qui correspond à sa position sociale. Les appartements sont grands, lumineux et modernes, avec des lampes Art déco au plafond. A 39 ans, fraîchement divorcée, il ne lui reste à trouver qu’une seule chose pour que sa vie soit totalement réussie : l’amour. Et son installation débute sous les meilleurs auspices. Dans le hall, elle fait connaissance avec Pete Henderson, un beau et sympathique jeune homme qui ne la laisse pas indifférente. Elle rencontre aussi rapidement d’autres voisins, comme Sam Yale, qui a dirigé autrefois des émissions de télévision…
Un soir pourtant, après une longue journée de travail, une équipe de cameramen l'attend à l'entrée de chez elle: Connaissiez-vous Herbert Sheer? Il est mort dans sa salle de bains, il a glissé, s'est cassé le cou et s'est noyé. En deux ans, c’est la cinquième victime du Sliver, surnommé maintenant « la tour de l’horreur » par les tabloïds. Vida Travisano, sa voisine d’en face, choquée, lui parle alors de Naomi Singer, une femme qui a sauté de son balcon. Personne ne connaît le propriétaire de l'immeuble, un anonyme masqué derrière un cabinet d'avocats. Kay voudrait bien savoir qui il est pour lui poser des questions sur ces étranges « accidents ». Elle se sent de plus en plus mal à l’aise et inquiète…
Ce qu’elle ne sait pas c’est que, depuis son arrivée, un homme l’espionne. Il la voit se déshabiller, faire son lit… C’est lui qui possède l’immeuble. Chez tous les locataires, il a soigneusement dissimulé des caméras et des micros comme pour surveiller leurs moindres faits et gestes. Quelle est donc l’identité de ce voyeur ? A-t-il un lien avec cette série inhabituelle « d’accidents » ? Et pourquoi porte-t-il un intérêt particulier à Kay ? Il cache en tout cas un terrible secret qu’il ne va pas tarder à révéler…

A première vue, « Sliver » ne semble être, dans l’œuvre d’Ira Levin, qu’un recyclage de deux de ses meilleurs romans. Comme « Un bébé pour Rosemary », le roman est un huis-clos et joue, selon une logique différente toutefois (celle d’un récit policier), sur le registre de la violation de l’intimité par le voisinage et sur la vieille figure de la possession qui, de Rosemary à Karry, n’a guère changé (seules ses formes se sont adaptées au temps de la communication postmoderne). Comme « Un bonheur insoutenable », nous avons un monde (ici une version réduite à l’échelle d’un bâtiment) surveillé et totalement contrôlé (par un homme au lieu de l’ordinateur UniOrd). En outre, Levin reprend un thème classique de la littérature fantastique : le lieu maudit ou maléfique (on peut remonter jusqu’à Edgar Allan Poe et « La Chute de la Maison Usher »). Cependant il parvient à le renouveler en faisant du gratte-ciel lui-même, l’instrument du mal car tout le monde succombe à son pouvoir et son utilisation crée une dépendance comme une drogue. Et lors de sa parution en 1991, le roman avait un temps d’avance sur la critique de la communication et de l’image qui s’immisce partout, dans les moindres recoins de la vie (on parlerait aujourd’hui de « transparence »). Thriller sur le pouvoir ultime, et les tentations que son utilisation provoque, Sliver est donc un peu daté. L’intrigue, efficace, manque de vraisemblance à la fin et l’idée de départ, très intéressante, est traitée paresseusement (on a parfois l’impression de lire un scénario).
Levin réussit malgré tout, avec une précision glacée, à créer une histoire fascinante, exploitant habilement l'horreur de l'une des peurs les plus profondes: être regardé par des yeux invisibles. Et son avant-dernier roman, même s’il n’est pas le meilleur, se lit avec plaisir (le livre de trop sera « le fils de Rosemary »). Par contre, le film qui en a été tiré (avec Sharon Stone) deux ans plus tard est franchement mauvais.

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