L'âme désarmée
de Allan David Bloom

critiqué par Donatien, le 2 novembre 2010
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
Culture générale : est-ce vraiment nécessaire?
Cet essai était consacré à l'enseignement supérieur aux Etats-Unis, en 1987,
Il s'adressait à la communauté de ceux qui cherchent la vérité, c'est à dire de tous les hommes dans la mesure où ils ont le désir de savoir. Ce type d'hommes dont Platon et Aristote faisaient partie au moment où , amis, ils étaient en désaccord sur le nature du BIEN! D'après l'auteur, « Ils ne formaient qu'une seule AME ».

Allan Bloom voulait attirer l'attention sur l'inconsistance , voire la « platitude » du discours moderne sur les valeurs. Son style est souvent agressif et même polémique.

Sa thèse centrale qui me semble garder beaucoup de sa pertinence aujourd'hui est que dans une société gouvernée par l'opinion publique, l'université devrait être un îlot de liberté intellectuelle où tous les points de vue seraient examinés sans restriction . Cette Université a été peu à peu submergée par l'importance prépondérante des" problèmes de société".

L'auteur : Allan Bloom (1930-1992). Philosophe américain. Combat l'emprise de la culture de masse sur les esprits. Il est connu pour ses positions pédagogiques et ses traductions de Platon et de Jean-Jacques Rousseau. A enseigné à Cornell et Yale.
Il pensait qu'une éducation libérale accompagnée d'une étude sérieuse des grands oeuvres classiques était le coeur même de toute bonne éducation. Que ces connaissances pouvaient répondre aux questions permanentes et importantes auxquelles les hommes sont confrontés!

Saul Bellow dans sa préface résume comme suit : « C'est une méditation sur l'état de nos âmes et , en particulier, sur celles des jeunes gens. Le présent essai prend en compte les problèmes de l'éducation et il a été conçu du point de vue d'un enseignant. Il existe une plénitude de l'homme, une sorte de perfection humaine irréductible , qu'il est du devoir d'un professeur d'aider ce quelque chose à parvenir à éclosion. »

L'essai , attaque contre le nihilisme et le relativisme moral est divisé en trois « champs »: les ETUDIANTS, le NIHILISME, l'UNIVERSITE.

LES ETUDIANTS : les valeurs véhiculées par la famille et la constitution des Etats-Unis s'appauvrissent. Les religions , soit la Bible et ses préceptes, sont délaissés. Le goût et la pratique de la lecture se perdent. Le féminisme (!!!!) serait également une des causes de la critique des classiques jugés trop « sexistes ».
Pour la musique, Bloom constate qu'après une période de désuétude, l'on avait retrouvé le pouvoir de la musique sur l'âme. Je cite : « De la nouvelle musique émane un appel,un seul, et c'est un appel barbare . Une industrie considérable cultive adroitement le goût de la sensation physique et de l'état affectif orgiaque qui s'associent à la pulsion sexuelle ». Il parle du règne de « Mick Jagger »,
Viennent ensuite l'égocentrisme, la libération sexuelle, le féminisme (Woman Lib), l'état de nature, l'éros (ce n'est pas seulement la satisfaction sexuelle qui doit être recherchée , mais conscients ou non, la connaissance de soi-même).




Le NIHILISME : la filière allemande et le relativisme de la VALEUR, soit un nouveau langage pour parler du bien et du mal. Citation : »C'est le langage du relativisme de la valeur , c'est dans notre vision des choses morales et politiques aussi considérable que celui qui s'est produit au moment où le christianisme a remplacé le paganisme grec et romain »!!!!!
L'influence de Nietzsche, Freud, Marx et Weber (surtout pour les Etats-Unis),
L'égalité et l'Etat-Providence faisaient désormais partie des réalités et la psychologie ferait le bonheur des individus alors que la sociologie allait améliorer les sociétés.
Il développe assez longuement l'apparition des nouvelles sciences humaines, les différents thèses de la VALEUR et de leurs effets. L'influence européenne de Sartre, Foucault, Derrida, Goldman, le structuralisme,etc . Citation : « C'est le nihilisme sans l'abîme ». (Belle formule)
Il souligne à propos de toutes ces interprétations : « La disproportion entre la signification réelle de tous ces mots et celle qu'on leur donne dans le langage courant est REPUGNANTE ». Cela me semble encore d'actualité.

L'UNIVERSITE se décomposait suite aux événement de 1969 avec les manifestations, parfois violentes , contre le racisme , le sexisme et les revendications d'égalitarisme. Les sciences humaines et principalement les lettres et la philosophie devaient s'incliner devant les sciences exactes. Seule l'économie prit de plus en plus d'importance au point de prétendre faire partie de la « science »politique.

« Les professeurs de lettres étaient devenus les défenseurs de l'inutile et du beau dans un ordre où l'utilité évidente est l'unique passeport reconnu. Leur domaine est celui de l'éternel et de la contemplation, et ils se trouvent dans un cadre qui n'exige que l'ici et le maintenant , mais aussi l'action. »

Il est compréhensible que cet essai à contrecourant de tout ce qui paraissait « in » en 1987, ait secoué les opinions.
Pour ma part, et vingt ans après, j'estime qu'il n'a pas perdu de son efficacité même si le combat pour le sauvetage de la culture générale basée en partie sur les « classiques » me semble désespéré.
A lire pour secouer les neurones et tenter d'y voir clair, pour les « survivants » de ces époques où l'âme pouvait s'armer de l'expérience des anciens!

Le titre est magnifique d'ailleurs , comme tout ce qui touche à la nostalgie.

A+
Un pamphlet contre le nivellement culturel des futures élites aux Etats Unis 7 étoiles

« Si je pose [aux étudiants] les questions de routine destinées à les faire réfléchir, par exemple Si vous aviez été administrateur britannique en Inde, auriez-vous laissé les indigènes placés sous votre responsabilité brûler une veuve au moment des funérailles de son mari ? - ou bien ils gardent le silence ou bien ils répondent que, d’abord, les Anglais n’auraient jamais dû se trouver en Inde ».

Ce pamphlet sorti en 87 fustige l’absence de culture, le relativisme des valeurs et l’état d’esprit des étudiants américains. Son propos s’apparente sous certains aspects aux idées de l’Ecole de Francfort, sauf que Bloom rejette l’Ecole de Francfort. Il est clairement anti 68 (d’après Bloom, la suite de ce mouvement en milieu universitaire a été une des raisons du nivellement culturel).

La thèse principale du bouquin : l’enseignement universitaire manque à sa vocation ; les livres fondateurs de la culture occidentale ne font plus partie du programme ; l’enseignement des humanités a été restreint et appauvri. Résultat : les jeunes ne se posent plus de questions, ne lisent plus et ne savent plus faire la différence entre le bien et le mal ; l’indifférence et le nihilisme a gagné les esprits.

La partie médiane du bouquin est une digression philosophique où l’auteur cherche les sources du relativisme ambiant. Il y est question de Locke et sa philosophie politique ; de Rousseau et sa distinction entre l’homme naturel et l’homme civil ; de Nietzsche et du tragique de la mort de Dieu ; de Kant et de l’impossibilité de fonder rationnellement la morale ; de la République de Platon.

A sa sortie, le bouquin a suscité une polémique qui l’a propulsé en bestseller. C’était d’ailleurs l’objectif de l’auteur - bousculer, créer le débat. Avec son propos élitiste et politiquement incorrect, Bloom s’est fait pas mal d’ennemis. Est-ce qu’il aurait trouvé une large audience s’il s’y était pris d’une autre manière, plus soft, plus consensuelle ?

Saul Bellow signe la préface. Il montre une misanthropie assumé. « Il est vrai que je suis probablement, par endroits, difficile à lire : je le serai même de plus en plus au fur et à mesure que mon public deviendra plus illettré ». Bellow et Bloom enseignaient à l’université de Chicago. Après la mort de son ami Bloom, le romancier Saul Bellow l’a transformé en personnage de fiction : Ravelstein.

Béatrice - Paris - - ans - 5 novembre 2010