Le livre noir de l'accueil de la petite enfance
de Collectif

critiqué par Germain, le 28 octobre 2010
( - 73 ans)


La note:  étoiles
N'oublions pas Pistoïa
" Ce siècle est un siècle d'enfants et les rares hommes qui subsistent ont tellement honte d'eux-mêmes qu'ils sont obligés de se cacher, comme celui qui marchait droit au pays des boiteux. Et ces braves enfants veulent faire tout ce qu'au cours des autres siècles les hommes faisaient, et le faire en enfants qu'ils sont, c'est-à-dire du premier coup, sans travail ni préparation. B ien mieux, ils veulent que le niveau atteint par la civilisation les dispense à perpétuité, eux et leurs successeurs, de toute obligation d'effort et d'application pour obtenir un résultat... " C'est par cette citation terriblement actuelle de G. Leopardi (1832) que Patrick Ben Soussan débute sa contribution au Livre noir de la petite-enfance. Souvenez-vous, c'était en novembre 2009, près de chez nous, de l’autre côté des Alpes : la gestionnaire d'une crèche privée, Anna-Laura Scuderi ( 41 ans ) et son employée, Elena Pesce ( 28 ans), gardaient – au sens littéral - 44 petits enfants … Triste résultat : à bout de nerfs, elles finirent par abreuver les enfants de coups et d’insultes, avant d’être filmées par la caméra des carabinieris intrigués par les plaintes renouvelées des parents. Tra nsférées en prison, les deux femmes furent tour à tour presque lynchées par d'autres détenues, mises au secret et interdites de séjour dans leur propre région... ; on lança des cocktails molotov contre leur " crèche " rebaptisée "Lager" par des taggers ; leur avocat, ayant " lui-même un enfant de dix huit mois", leur fit faux bond. Dans Double face, Patrick Ben Soussan nous présente un début de décryptage des événements de Pistoïa, ville toscane de 80 000 âmes réputée pour sa douceur de vivre... et la qualité d'accueil de sa crèche municipale et de son école maternelle. "Double face" pour qualifier le côté surréaliste de la situation actuelle où le pire rivalise avec le meilleur. "Double face" du social livré à l'improvisation mercantile, la petite-enfance devenant une vaine poule aux œufs d’or pour naïfs cupides... Il y aurait tant à dire sur l’histoire, y compris sur la supplique de la principale intéressée : " Je suis malade, aidez-moi !" Comprenne qui voudra… : voilà où nous mènent, en tous cas, les sirènes ultralibérales. Au demeurant, « le monde sera sauvé par la poésie » ; merci à Maryvonne Paul pour son magnifique texte intitulé Gestation-Gestion.