Traduire un silence
de Iris (H)

critiqué par Iris, le 28 octobre 2010
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Se traduire, se pervertir !
« Traduire un silence » est un roman écrit d’une plume sobre et sombre et à l’ombre de tout. Il se dévoile du côté où le verbe le masque. Il est un carrefour de tous les arrimages conflictuels, renvoie à un langage visiblement taciturne en apparence mais combien loquace intérieurement car se miroitant sans vergogne dans deux âmes féminines dont Kahina et Tiziri. Ces dernières, exposées à une sorte de joute et confondues à des natures vierges, renvoient l’image de deux génisses mâtinées avant l’âge pour donner naissance à des pages fertiles et utiles. Yuba, le sujet coincé entre les deux, plonge dans l’altérité, s’expose comme il s’impose, se livre comme il s’adonne corps et âme en cherchant une signification à son existence dans la versatilité de son miroir, ce qui le conduit à une brouille durable dans ces vérités criantes que dissimule un silence. Ses angoisses permanentes et cette perpétuelle avanie avec lui-même créent une sorte de crevasse dans ses visions des choses, un dilemme dépendant à chaque fois des subterfuges de chacune d’elles. Ces êtres volages dont il est épris semblent avoir de l’esprit plus qu’elles n’en possèdent. Elles sèment ce tempérament amoureux équivoque, ces confusions de sentiments, dès lors le sujet cherche à dépasser ses adversaires potentiels par sa vaine lucidité, par cette brillance ne reflétant rien, ne le menant à rien d’où cette singularité faisant du général un particulier dont il est l’objet. « Traduire un silence » est né de ces songes visiblement réels et de ces souffrances nourrissant son quotidien ; une histoire qui attend une fin, une récompense qui n’arrivera jamais ! Être et demeurer un non être est l’image du « moi » véhiculant un verbe butant contre l’incertitude de soi devant la complexité d’autrui. Le verbe nous récompense de toutes les illusions et désillusions vécues dans l’imaginaire d’où sa personne jugée futile par soi malgré la pondération de son verbe et l’utilité de son savoir.

A force de lire et de plonger dans cette linéarité imaginaire sans jamais toucher le fond, cela nourrit en soi des idées, des souhaits, des désirs que seul le monde imaginaire pourrait atteindre, et voilà qu’on se laisse envahir par des nuages de mots créant autour de soi des ombres et des sinuosités. L’enchaînement des faits romanesques intérieurement ressentis est captivant, le style en est pour quelque chose, il touche à cette philosophie de la vie modelant une passivité au lieu de la façonner à sa manière, il est l’ossature même de toutes ces constructions et interpénétrations devant les yeux se transposant en images sur la consolidation égalitaire de ces dernières. La vie refuse et nous prive de tant de choses, par le verbe on espère tomber dans ces apprivoisements, dans ces accoutumances nous invitant à frôler l’idéal tout en laissant perplexe sa réalité falote. Se confondre et se reconnaître dans son écriture est une chose, cela aide à s’oublier dans l’attente de toucher à tout, une sorte d’invitation dans une autre existence en zone libre s’installe en conséquence dans cette familiarité avec l’amour du verbe et dans cette dépendance d’une indépendance à deux. La vivre pleinement et autrement s’avère impossible. C’est en quelque sorte comme être polissonné par sa propre morale, celle supposée éclairer l’autre. Comme la souffrance enfante des songes, les pages blanches gobent comme elles créent des fanges, d’où ce monde auquel on souhaite y parvenir sans toutefois arriver à franchir. On vit, on encaisse. On se soumet, on se résigne. L’œil observe, la mémoire conserve. L’ombre fuit, la vie suit. Toujours dans cette complicité du « je » guidé et guidant son errance psychologique, ce dernier tombe dans l’objectivité des mots face à la subjectivité dans laquelle s’abreuve son inconscience. Dans cette compassion faisant partie de lui, il s’ouvre dans le noir, se moralise, s’assagit face aux incongruités handicapant mentalement sa présence téméraire et éphémère. C’est l’univers des maux cherchant consolation des mots. Ainsi s’annonce alors ce roman « Traduire un silence » d’Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, nourrissant d’espérance un manque et un vide dans l’attente d’un ultime recours et d’un intime secours.

Iris

« Traduire un silence » d’Iris. Éditions Sefraber, fév. 2010. 284 pages. 18,50 €.