Bootleg - Les flibustiers du disque de Alain Gaschet

Bootleg - Les flibustiers du disque de Alain Gaschet

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Musique

Critiqué par Numanuma, le 26 septembre 2010 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 50 ans)
La note : 10 étoiles
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It's only rock'n roll but I buy it...

Attention, gros sujet ! En ces temps hadopistes, il est bon de rappeler que la musique est d’abord et avant tout une histoire de passion. Le mercantilisme n’est venu qu’ensuite. Malheureusement, c’est désormais le marché qui fait les artistes et non l’inverse. C’est ainsi qu’un artiste comme Alain Chamfort, qui n’a jamais été un gros vendeur mais qui a quelques tubes à son actifs et qui possède une entité artistique propre, qu’on aime ou pas (je ne suis pas fan), s’est vu viré par sa maison de disque justement parce qu’il ne vend pas assez. Question de rentabilité mon bon monsieur ; ce qui fait que le beau discours des majors sur le thème « je vends de la StarAc parce que ça rapporte de l’argent pour la création d’artistes moins vendeurs » est faux et hypocrite. Ce sont eux qui décident de ce qui se vendra ou pas.
En marge du système, il y a les pirates. Il est nécessaire de préciser les choses : les pirates ne peuvent pas être assimilés à des artisans de la contrefaçon car ce qu’ils proposent n’est pas vendu sur le marché. La contrefaçon consiste à vendre une copie illégale en tout point (apparence, pochette, etc…) d’un produit déjà en vente de manière légale. Si je vais sur le marché vendre des copies du dernier Maiden faite à partir de l’album que j’ai acheté, je suis dans la contrefaçon. Le pirate vogue sur d’autres mers car il propose un produit qui n’a pas d’existence légale. Aux USA, le pirate commercialise une copie d’un album officiel mais fait l’effort de proposer une pochette différente. Le bootleger, lui, vend des enregistrements, des live ou des enregistrements de studio, qui n’ont pas été mis officiellement sur le marché. On peut penser que la différence est affaire de subtilité mais ce n’est pas le cas même si, parfois, la frontière est mince.
L’auteur de ce livre, Alain Gaschet, est tombé pour avoir pratiqué, de très longues années durant, l’activité de bootleger ; il a été balancé par des clients de son réseau… A la base, quand il a commencé, ce n’était qu’un simple vendeur de disque sur les foires, tout ce qu’il y a de plus légal. Mais, les œuvres au noir existaient déjà, il suffisait de savoir où chercher. Le truc, c’est qu’Alain s’est lancé dans la vente de disque par passion pour la musique et que les disques pirates sont une autre façon d’assouvir cette passion. Bien sûr, c’est une activité qui peut rapporter de l’argent mais croyez-vous que tous les groupes qui tournent sont motivés uniquement par l’art ?
Bref, Alain est l’un des derniers dans son genre et son livre fourmille d’anecdotes ; on peut même le lire comme un polar tant il regorge de noms de codes et de suées suite aux visites impromptues des forces de l’ordre.
Les bootlegers et la musique enregistrée sont nés ensemble et ne croyez pas que seul le rock soit piraté ! Le disque pirate est une pièce d’histoire plus qu’une œuvre me semble-t-il car, nonobstant des qualités musicales parfois supérieures aux produits officiels, les enregistrements pirates des sessions studio de musiciens plus ou moins célèbres sont à réserver aux fans hardcores, aux historiens ou aux completistes de tous poils. Je veux dire, qui a envie d’écouter 10 disques de chutes de morceaux, d’engueulades, de discussions sur la pluie et le beau temps et autres moments de vide qui comblent les sessions d’enregistrement ? Pourtant, ce genre de produit, considéré comme n’ayant aucun potentiel commercial par les maisons de disques, est un témoin d’un instant privilégié qui a un intérêt au moins historique. Sachez que Virgin a commencé par éditer des bootlegs !!
Prenons deux exemples. A la fin de leur carrière, les Beatles sont en bout de course. Le groupe décide de modifier sa façon de travailler, espérant ainsi retrouver une étincelle. Les Beatles s’en vont enregistrer à Twickenham, délaissant Abbey Road. Le projet tombe à l’eau mais un micro traîne et les heures passées par les quatre de Liverpool à tenter de jouer ensemble sont restées sur bande. Les Beatles eux-mêmes considèrent que rien de bon n’est sorti de ces sessions, leur maison de disque emboite le pas. Ces bandes sortiront en bootleg et font partie de la légende.
Prenons maintenant Elvis. En 1997, Capitol édite un coffret 4 CD, Elvis Presley Platinum ; j’en suis sûr, je l’ai ! Il s’agit de versions différentes de titres existant déjà, pour la plupart des tubes. La maison de disque les a sortis malgré l’avis contraire du guitariste d’Elvis, Scotty Moore, qui considère que si Elvis a choisi d’autres versions pour les singles, c’est que celles présentées sur ce coffret n’étaient pas assez bonnes !
Où est la frontière ?
Le cas des enregistrements live est plus intéressant car d’un concert à l’autre, un groupe peut passer d’excellent à médiocre. Pour éviter cet écueil, les maisons de disques créent des albums live à partir de titres joués dans plusieurs endroits, ne prenant que les meilleures versions. Bien sûr, on peut parfois trouver des albums reprenant un concert en particulier mais c’est plus rare. Les bootlegers sont capables de proposer quasiment tous les concerts d’une tournée ! Pearl Jam a contourné le problème en proposant les enregistrements de ses concerts le lendemain même de leur prestation via un site internet. D’autres groupes font de même.
La principale difficulté des live, c’est de proposer une qualité sonore optimale. J’ai le souvenir très précis d’un concert d’Aerosmith, en 93-94, j’ai la flemme de ressortir mon billet. Dans la file d’attente, un gars est passé, proposant de prendre des commandes pour l’enregistrement du show du soir. J’avoue n’avoir pas osé répondre. C’est peut-être le Duduche du livre, l’auteur citant une anecdote similaire.
Or, les bootlegers sont désormais capables de faire aussi bien, sinon mieux que les maisons de disques en matière de qualité sonore.
La question qui se pose est donc de savoir ce que pense l’artiste de ces fans un peu particuliers car, je le rappelle, ce sont d’abord des fans, des passionnés, qui mettent à disposition d’autres fans des moments rares. De plus, on parle de ventes de l’ordre de 500 à 5000 exemplaires dans la majorité des cas. Des best-sellers d’exception existent, bien sûr mais ils sont rares. Les artistes sont partagés entre ceux qui voient ça comme un bien une sorte de compliment et les autres, qui considèrent que le pirate profite d’une œuvre qui ne leur appartient pas.
Je en prétends pas apporter de solution, c’est à chacun de faire son choix mais la lecture de ce livre peut se révéler judicieuse, histoire de prendre un peu de recul et de découvrir les rouages du système. L’officiel et l’officieux. En attendant, je remets sur la platine un des rares bootlegs de ma collection : un live d’Aerosmith enregistré en 1974 à Detroit, édité en 1990 en Italie (réédité à la va-vite serait plus exact) par un label italien, Great Dane Records.

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  précisions 3 Bootlegmuseum 30 septembre 2010 @ 13:00

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