Poèmes antiques
de Charles-Marie Leconte de Lisle

critiqué par Lisancius , le 18 septembre 2010
(Poissy - - ans)


La note:  étoiles
Lumière de l'âme, ô, Beauté !
Quand j'étais en 1ère, un jour, j'ai avoué que Leconte de Lisle était mon poète préféré, ce sur quoi mon excellente professeur m'a répondu "Tiens ? Quelle drôle d'idée !". Il est vrai que Leconte de Lisle n'est pas le père fondateur de la Grande Poésie Française. Mais même aujourd'hui, après que les tourbillons de Valéry, les envolées de Whitman et les abysses insondables de Mallarmé m'ont éloigné de lui, après que le Temps a émoussé mes souvenirs, et que l'expérience donnée par d'autres auteurs m'a fait mûrir, quand je reviens aux Poèmes antiques, c'est avec cette immense émotion, mélange d'un respect inébranlable et d'une vénération pour ces poèmes qui peuvent prétendre au plus haut rang des lettres françaises.
Les Poèmes Antiques sont la résurrection des divinités phrygiennes, et avec eux l'orientalisme a obtenu ses lettres de noblesses, débarrassées de leur superficialité et des clichés de pacotille qui les enrobaient. Ces mythes inexplorés sont le biais par lequel Lisle expose les piliers du Parnasse comme étant les représentations de la Beauté poétique - pas une beauté mièvre, mais bien profonde et tragique, qui s'autorise le sang, la débauche, et la violence = tiens, tiens, ceci ne fait-il pas écho à un autre fameux pan du XIXème siècle, avec son orientalisme, son érotisme et sa violence?
Tous ces poèmes sont extraordinaires, citons, parce qu'ils ont la chance de revenir en premiers dans mon esprit : Hélène, une superbe ode évoquant sous un autre angle l'Iliade et l'enlèvement de la plus belle de toutes les femmes, ou bien le magnifique "Vase", symbole du recueil, tout comme le terrible Khirion, le plus long des poèmes en vers qu'il m'ait été donné de rencontrer, et l'un des plus émouvants, ou le Dies Irae, secousse depuis le ciel des fondations de l'abîme. Ces oeuvres m'ont remué du plus profond de mon coeur au plus superficiel de mes sens, beaucoup d'entre eux m'ont bouleversé irrémédiablement. Mais, selon moi, l'un des cinq plus beaux poèmes de tous les temps, est La Source ! Heureux celui qui va la découvrir pour la première fois, celui qui va plonger corps et âme dans l'un des plus puissants lacs des lettres, et, qui, le coeur sept fois trempé dans le néant divin, en ressortira comme on sort du Léthé.
Heureux ceux qui se noient, de mourir ainsi, dans la beauté !