Quelque chose comme un grand peuple
de Joseph Facal

critiqué par Dirlandaise, le 16 septembre 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Le rêve ne doit pas mourir
Avant toute chose, un mot sur l’auteur. Joseph Facal est originaire de l’Uruguay et enseigne au Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal. Détenteur d’un doctorat en sociologie de l’Université Paris-Sorbonne, il occupa des postes ministériels au sein de plusieurs gouvernements du Parti québécois, parti politique qui prône l’indépendance du Québec.

Monsieur Facal est donc souverainiste. Son livre brosse un portrait du Québec non seulement d’aujourd’hui mais aussi du passé et de l’avenir. En effet, le premier chapitre est consacré à l’histoire du Québec, à son parcours social, politique et économique qui a débouché sur la société que nous connaissons aujourd’hui et dans laquelle nous vivons. Plusieurs historiens ont retenu l’attention de l’auteur comme par exemple Gérard Bouchard, Jocelyn Létourneau, Yvan Lamonde et Fernand Dumont. Parmi les thèmes principaux abordés dans ce chapitre, on retrouve la politisation du nationalisme culturel, les grands tournants de notre histoire tels que la conquête de 1760, la révolte des Patriotes en 1837-38 qui a inspiré un film admirable au cinéaste Pierre Falardeau, l’Acte d’Union de 1840 qui a contribué à faire du peuple québécois francophone une minorité soumise au bon vouloir de la majorité anglophone du reste du Canada, la Révolution Tranquille, Maurice Duplessis, le pouvoir immense de l’Église remplacé vers les années 1960 par l’État Providence.

Ensuite, monsieur Facal analyse le présent soit la situation démographique, le taux de scolarisation et la dette publique ainsi que la fragilité de la langue française. Il souligne les effets néfastes qu’entraîne l’idéologie multiculturaliste sur l’identité nationale québécoise, nous entretient des déboires de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables qui ont eu un impact négatif sur l’intégration des immigrants au sein de notre communauté.

Dans le chapitre intitulé « Vraiment maîtres chez nous », monsieur Facal tente de trouver les causes du piétinement de l’idée de souveraineté et nous livre ce qu’il considère comme les cinq raisons fondamentales de vouloir encore de cette souveraineté. Il nous entretient des mutations de la société moderne comme la mondialisation, le développement fulgurant des différentes technologies, les bouleversements structurels démographiques et la montée en force de l’écologie. Ensuite viennent des chapitres sur la famille, l’école et l’humanisme au sein de notre société. Les deux derniers chapitres sont consacrés à la prospérité économique et au progrès social.

J’avoue avoir préféré les chapitres consacrés à notre histoire et à notre spécificité en tant que peuple au sein du fédéralisme canadien qui constitue une menace à long terme pour notre survie. Les explications de monsieur Facal sont d’une limpidité étonnante. Il utilise un vocabulaire adapté au commun des mortels et son écriture est nette, précise et efficace. Je le trouve cependant un tantinet froid et très académique mais c’est son style et le message qu’il veut nous passer est le même que celui d’un Falardeau par exemple mais énoncé différemment. En fait, les deux hommes sont très différents mais du même combat.

Par contre, ce n’est pas monsieur Facal qui soulèvera les foules et ranimera la flamme souverainiste avec ce livre qui reste cependant fort intéressant. Malheureusement, j’ai trouvé certains passages tout à fait ennuyeux en particulier ceux portant sur l’économie et la fiscalité mais ce sont des réalités incontournables. À lire donc mais je n’y ai rien appris de bien nouveau. Le mérite de l’auteur est de ne pas seulement se contenter de mettre en lumière les erreurs du passé et les échecs du présent mais de donner des pistes de solutions qui me semblent fort judicieuses et réalisables malgré les efforts titanesques qu’elles exigeront de notre part. Mais quand on a la foi, on soulève des montagnes n’est-ce pas ? La foi, voilà ce qui nous fera avancer sur le beau chemin de l’indépendance et alors nous pourrons redresser fièrement la tête et ne plus courber l’échine devant l’establishment anglophone triomphant. Nous serons alors « quelque chose comme un grand peuple » selon la phrase célèbre de René Lévesque et ce sera amplement mérité.

« En plus de croire que la Souveraineté du Québec serait immensément bénéfique, je ne suis sûr que d’une seule autre chose : s’il devenait un jour évident que la souveraineté ne se fera jamais et qu’elle n’est plus qu’un impossible rêve, si cette idée quittait pour de bon le domaine de l’espérance, le Québec francophone perdrait l’un des plus puissants ressorts de son dynamisme, et le sentiment d’une immense et irrémédiable défaite collective qui s’installerait alors serait proprement accablant. »