Becket ou L'Honneur de Dieu
de Jean Anouilh

critiqué par Jules, le 20 février 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
L' homme face au pouvoir
Jean Anouilh nous donne ici un autre portrait d'un personnage devenu illustre par son opposition au pouvoir dictatorial. Après Antigone, qui plaçait les droits humains au-dessus des diktats du pouvoir, Thomas Becket entend placer Dieu et son église au-dessus du bon vouloir des rois.
Becket, né en 1118, était tout d'abord un courtisan comme un autre, sauf qu’il était l'ami intime du roi Henri II et même son compagnon de débauche. Henri II, pensant qu’il fera un bon archevêque de Canterbury, puisqu’il est son ami et qu'il lui est tout dévoué, le place à ce poste à sa première vacance.
Mais, comme on le dit souvent, la fonction fait l'homme et, à peine est-il nommé, qu’il se pose en défenseur acharné des droits de l’église romaine. Cela n'arrange évidemment pas du tout le roi qui entend plier celle-ci à sa volonté.
Au celui-ci qui regrette de l’avoir fait tuer, l'ombre de Beckett répond qu’ils ne pouvaient pas s'entendre… Le Roi « - Je te l’ai dit : « Sauf l’honneur du royaume ! » Beckett « Je t’ai répondu : « Sauf l’honneur de Dieu ! » C’était un dialogue de sourds. »
Je soupçonne Anouilh d'avoir livré un sentiment personnel quand il fait dire à Becket: « L'honneur anglais, Baron, en fin de compte, ça a toujours été de réussir. »
Et il me semble entendre Dostoïevski qui disait « Heureux ceux qui ne pensent pas ! Ils ne connaissent pas leur bonheur » quand
Anouilh fait dire à Henri II parlant à Beckett : « Tu réfléchis trop. Ca finira par te jouer de mauvais tours. C’est parce qu'on pense, qu’il y a des problèmes. Un jour, à force de penser, tu te trouveras devant un problème, ta grosse tête te présentera une solution et tu te flanqueras dans une histoire impossible – qu’il aurait été beaucoup plus simple d'ignorer, comme le font la plupart des imbéciles qui, eux, vivent vieux. » Il ne pensait pas si bien dire puisque, quelque temps plus tard, il fit assassiner Becket, toujours aussi rebelle, à Canterbury.

Ils ont dû être assez nombreux, les hommes d’église, qui se sont dit, avec Beckett : « Ah ! qu’il est difficile, Seigneur abbé, de défendre l'honneur de Dieu avec de si grandes possessions. »
Une très bonne pièce !