L'année du soulèvement
de Hubert Mingarelli

critiqué par Miette, le 30 août 2010
( - 57 ans)


La note:  étoiles
toujours intimiste
Voilà encore un bon Mingarelli que j'apprécie toujours.
Il ne faut pas chercher dans ses livres de l'aventure et de l'action, mais des récits sur la profondeur du coeur des hommes, avec une écriture très particulière et très belle, à la fois simple et profonde, douce et lumineuse.
Je conseille particulièrement "Une rivière verte et silencieuse" et "Quatre soldats".
Cette année là, un huis clos … 9 étoiles

Rarement un huis clos aura bénéficié d’un tel décor. Oui, il s’agit bien d’un huis clos, entre trois hommes : l’officier San-Vitto, prisonnier, que les deux autres, Cletus et Daniel, l’un plus vétéran que l’autre, l’autre moins indécis que le premier, emmènent en haut, là-haut dans la montagne, pour on ne sait quoi exactement, on ne sait quel rendez-vous. Comme usuellement dans Mingarelli, on oscille en permanence dans les affres de l’incertitude. L’un aurait bien des certitudes. C’est Daniel. C’est qu’il est jeune Daniel, il peut bien en avoir encore des certitudes. Cletus, lui, a combattu. Apparemment il a tué. Et apparemment pas digéré la chose. Elles ont fui, les certitudes. Et puis l’officier San-Vitto promis au pire, qui a peur. Des certitudes il en aurait bien un peu ? C’est qu’il est du mauvais côté du fusil. Ca doit, c’est sûr, aiguiser les certitudes. Les mauvaises.
Trois hommes, une nuit, pas plus, le format mingarellien est respecté ! Le reste n’est qu’introspection à la marge de ces trois personnages que le destin a réuni plutôt pour le pire.
Et puis il y a la nature, toujours aussi importante chez Mingarelli. Notamment ce souvenir de renard dans la forêt enneigée dont l’image semble obséder Cletus :

«Alors il pensa aux forêts sous la neige et aux premières branches des sapins, si lourdes qu'elles ploient jusqu'au sol. Il se souvint du renard qui dormait au pied d'un sapin, sous l'une de ces branches, à l'abri du froid et de la neige. Il avait les couleurs de son lit d'aiguilles de pin. Il se souvint de l'impression de chaleur qu'il avait ressentie en le voyant, pour lui-même et pour le renard, alors que la température était tombée en dessous de zéro. Il l'avait laissé dormir, le museau posé sur ses partes de derrière, soufflant des petits nuages d'haleine blanche. En s'en allant il lui avait dit : "Je te laisse parce que tu dors." Puis il lui avait souhaité que leurs chemins ne se croisent plus jamais.»

Pas de sentiments, d’évènements, fracassants chez Mingarelli. Par petites touches il nous fait rentrer dans la psychologie des trois hommes, dans l’absurdité de la situation. Ce pourrait être une non-situation, ça sera plus sûrement une saloperie de plus, une de celles qui font qu’un temps de guerre c’est d’abord la guerre.

Tistou - - 67 ans - 26 novembre 2010