The rest is noise : A l'écoute du XXe siècle, la modernité en musique
de Alex Ross

critiqué par Jefopera, le 11 août 2010
(Paris - 59 ans)


La note:  étoiles
A l'écoute du XXème siècle
Né en 1968, journaliste, Alex Ross vient de lancer un prodigieux pavé dans la mare soporifique de la littérature sur la musique : "The Rest is Noise", c'est le nom du livre qu'il vient de publier, a été finaliste au prix Pulitzer, a figuré au top ten du "Washington Post", de "Newsweek" et de "The Economist". Il a été traduit en 15 langues et vendu à 200.000 exemplaires. En Espagne, il s'est d'emblée inscrit sur la liste des meilleures ventes du premier jour. Fait rarissime pour un ouvrage sur la musique, a fortiori celle du XXème siècle.

Admirablement construit, plein d'anecdotes, drôle et brillant, écrit dans un style clair et précis, "The Rest is Noise" se lit comme un roman, un grand roman historique où s'entrecroisent les grands noms de la musique du siècle dernier. On ouvre le bal avec Debussy, Strauss, Schoenberg et Stravinsky mais on y croise aussi Duke Ellington, Lou Reed et les Beatles. Car les barrières qui existent aujourd'hui entre la "Grande" musique et tout le reste sont en fait beaucoup plus poreuses que ce que l'on pourrait croire. On découvre en effet Charlie Parker citant Stravinsky, Coltrane Sibelius, les Rolling Stones écoutant Stockhausen, Ravel et Milhaud découvrant le jazz et la musique cubaine. On sourit en imaginant la Cocteau et la Poulenc en pamoison devant les premiers jazzmen américains venus faire découvrir leur musique aux parisiens.

Ce qui est formidable dans cet ouvrage, c'est le talent et l'érudition avec lesquels Ross explique et illustre l’influence de la politique et de la société sur l’évolution du langage musical : le chapitre sur l’Allemagne nazie est tout à fait passionnant, comme celui sur la manière dont la CIA s’est servie de l’avant-garde comme d’un instrument de propagande pendant la guerre froide. Le chapitre sur les rapports entre Staline Prokofiev et Chostakovitch fait encore froid dans le dos.

La traduction, aussi fidèle que claire, rend parfaitement justice à ce livre exceptionnel, qui mérite de figurer dans la bibliothèque de tout mélomane qui se respecte.