Il y a longtemps que je t'aime : Petite fabrique des rêves et des réalités
de Philippe Claudel

critiqué par Deashelle, le 24 juillet 2010
(Tervuren - 15 ans)


La note:  étoiles
Dans la fabrique de la création artistique...
La magie des salles obscures expliquée

« A sa sortie de prison, Juliette (Kristin Scott Thomas, impressionnante) part s’installer chez sa sœur Léa (Elsa Zylberstein) qu’elle n’a pas vue depuis quinze ans. Philippe Claudel ausculte en peintre ses personnages à l’intime, défaisant les glacis pour laisser découvrir ce qui se cache dessous. Très beau portrait de femmes… mais pas seulement !
Comment passer de la tôle à une petite famille lisse et parfaite de Nancy ? Dans son premier film, Philippe Claudel interroge ce que peut signifier la fin de peine, à tous les sens du terme. Quitter la cellule de l’institution pour entrer dans celle de la famille. Passer de l’isolement, de ce qui vous sépare, au lien qui vous relie, qui vous rattache à l’autre. Se défaire du silence pour ouvrir la parole, passer de l’absente à celle qui est bien là, hors des murs mais toujours encombrée, prisonnière à l’intérieur. »
C’est le film de Philippe Claudel, voici l’envers du décor, sous la surface, plongeon dans le livre:


Comment l’auteur des « âmes grises » et du « rapport de Brodeck » passe au cinéma d’auteur. Un livre fourmillant de réflexions sur la création artistique, ses rapports avec la réalité : « Sait-on jamais d’où viennent les désirs et comment naissent les histoires ? Sommes-nous de grands orphelins qui créent des images pour être un peu moins seuls et un peu plus aimés ? Pourquoi la vie ne nous suffit-elle pas, et quel besoin opiniâtre avons-nous d’en saisir les reflets ? »

Une autre question angoissante, celle de la communication, basée sur une phrase de Céline dans le Voyage au bout de la nuit : « On ne sait jamais rein de la véritable histoire des autres. »

Philippe Claudel nous montre les mille et un fils qui sous-tendent son film magnifique d’humanité : « Il y a longtemps que je t’aime » sorti en 2008. Ce film, dépouillé d’esthétisme de tout genre et ne versant pas non plus dans le naturalisme, nous dépeint de façon presque impressionniste la lente redécouverte mutuelle de deux sœurs séparées par la mort, par la vie, par la prison. Il y a jusqu’à la fin un secret pesant et terrible qui risque de tout détruire. C’est une genèse du réapprentissage de l’amour, de la confiance, du bonheur…. Une métamorphose qui aboutit, le secret dont finalement on lève le voile éclaire le personnage maudit, alors que la société entière s’est faite juge et condamnation. La musique, les livres, la peinture et même la sculpture d’un ange sont des personnages en filigrane qui aident à la rédemption de la douleur la plus atroce. Un livre rempli de bienveillance, d’espoir et de petits pas.
La fraîcheur d’une fontaine et ses larmes.
Magnifique livre de metteur en scène 9 étoiles

Philippe Claudel nous explique avec le style délicat d'un écrivain exceptionnel les choix qu'il a opéré pour mettre en scène son film. Donne envie de revoir d'urgence le film pour se mettre en quelque sorte derrière la caméra. Intéressant et original !

Nb23 - Bruxelles - 56 ans - 26 août 2010