Aristote à l'heure du thé
de Oscar Wilde

critiqué par Dirlandaise, le 8 juillet 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Entretiens et critiques littéraires
Petit livre fort intéressant et qui s’inscrit de façon tout à fait pertinente dans une étude de la personnalité primesautière et moqueuse qui caractérisait monsieur Wilde. Il s’agit pour la majorité, d’une série d’articles et de critiques sur les nouveautés littéraires de l’époque. Le livre débute sur une conférence donnée par monsieur Wilde suite à son retour d’un voyage effectué en Amérique en 1883. Il nous livre ses impressions, expériences et avant tout, nous entretient sur les relations qu’il a nouées avec les habitants de ce rude pays. C’est assez amusant dans l’ensemble même si souvent, le ton m’a prodigieusement irritée. La préciosité d’Oscar Wilde peut en ravir certains mais moi, je le trouve parfois insupportable. Ceci dit, il est intéressant de découvrir l’Amérique de cette époque à travers la vision d’un être aussi civilisé et cultivé que l’était l’auteur du « Portrait de Dorian Gray ». Certains passages sont savoureux et m’ont fait sourire. Monsieur Wilde nous décrit ensuite le comportement des jeunes Américaines en visite en Angleterre et la personnalité de l’homme américain. Ce n’est pas méchant heureusement et l’auteur fait preuve d’une fort belle indulgence.

Une partie du livre est consacrée au peintre Whistler et à certaines de ses expositions. Viennent ensuite une série de chroniques écrites et publiées principalement en 1886 et 1887 dans le « Pall Mall Gazette » sur différents sujets dont une large place est faite aux critiques littéraires. J’ai beaucoup aimé les commentaires sur le livre de Dostoïevski « Humiliés et offensés » ainsi que sur la traduction de Balzac en anglais. D’autres articles sont moins réussis en particulier ceux dont le sujet est le vêtement et son évolution ainsi que la critique d’un livre culinaire en vogue.

En fin de volume, nous avons deux entretiens, l'un portant sur la censure et le refus de laisser jouer la pièce de monsieur Wilde « Salomé » en Angleterre ce qui l’a contraint à faire jouer la première à Paris. Notons que Sarah Bernhardt tenait le rôle principal dans cette pièce. Le deuxième entretien a été effectué le lendemain de la première d’ « Un mari idéal » alors que le journaliste a croisé Oscar Wilde dans la rue. C’est un document remarquablement vivant qui nous révèle le caractère conciliant et généreux de l’écrivain.

J'aimerais aussi souligner la belle chronique portant sur la publication des lettres de George Sand choisies et traduites par Raphael Ledos de Beaufort qui est d’un intérêt certain. Bref, pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’homme qu’était Oscar Wilde, je recommande ce recueil sans hésiter. Chaque chronique peut être lue séparément donc, un ouvrage parfait comme livre de chevet.

« Par quelle méthode subtilement objective Dostoïevski nous montre-t-il ses personnages ! Jamais il ne les caractérise au moyen d’une étiquette, jamais il ne les qualifie par une description. Il nous amène à les connaître très graduellement, ainsi que nous faisons avec les gens que nous rencontrons en société, d’abord par leurs petites habitudes, leur apparence personnelle, leurs singularités dans l’habillement et autres choses approchantes, ensuite par leurs actes et leurs paroles. Après quoi ils nous échappent : s’il met à nu les secrets de leur nature, Dostoïevski n’explique jamais trop ses personnages. Ils nous surprennent toujours par quelque chose qu’ils disent ou qu’ils font, et gardent jusqu’à la fin l’éternel mystère de la vie. »