Shenzhen
de Guy Delisle

critiqué par Nance, le 9 juin 2010
( - - ans)


La note:  étoiles
Peu compromettant
Le bédéiste québécois (naturalisé français) Guy Delisle se retrouve à Shenzhen (en Chine à quelques kilomètres de Hong-Kong), pendant 3 mois (fin 1997-début 1998) pour remplacer un directeur en animation. Ceci est une bande dessinée autobiographique où il nous fait part de son expérience là-bas, on suit son quotidien.

« Si un jour, je mets toutes ces anecdotes en images, ça donnera forcément l’impression d’avoir été un séjour formidable... j’imagine même que même l’ennui une fois sorti de son contexte, se sublimera et prendra finalement une forme divertissante... un peu comme la mémoire. »

Ce n’est pas une bande dessinée sensationnaliste, il y a peu de réflexions politiques, rien de vraiment engageant (on fait référence au nombre d’exécutions qui auraient lieu chaque jour en Chine, et que le nombre de « peines capitales » serait secret d’État). C’est plus son regard, ses impressions, sur la culture qu’il a entrevu, son « petit » quotidien d’animateur étranger, avec un ton définitivement plus sympathique que dans Pyongyang. Il y a beaucoup d’accent sur sa difficulté de s’intégrer parce qu’il ne parle pas chinois et qu’il y a peu de bilingues dans la ville. Ça sera un séjour très solitaire.

Ce n’est pas aussi fort que ses autres oeuvres, mais ça se laisse lire très facilement. Une lecture agréable et intéressante.
La non-aventure en Chine 7 étoiles

Je ne connaissais pas Guy Delisle pourtant assez célèbre dans le milieu de la BD et lauréat à Angoulême pour ses Chroniques de Jérusalem.
C'est donc avec cet album, Shenzhen, que je découvre cet auteur... un récit de son expérience de 3 mois dans cette ville, Shenzhen, symbole du décollage économique chinois était plus que prometteur... comment un Occidental trouve-t-il sa place au milieu de Chinois eux-même déracinés dans cette ville artificielle?

Largement autobiographique donc, le récit n'est pas essentiel... l'auteur fait une pige pour remplacer le directeur à la réalisation d'un programme de dessin animé... et fait l'expérience de la qualité "à la" chinoise: ce n'est pas cher, certes, mais les standards sont beaucoup moins élevés; une constatation qu'on pourrait faire dans beaucoup d'industries.

Non, l'intérêt de l'album réside dans l'accumulation des petites anecdotes liées à la vie de tous les jours: expériences culinaires, rencontres improbables, transports anarchiques, etc... l'humour est assez fin, l'auteur désabusé, et l'on sent que cette expérience ne laissera pas une empreinte très durable.
Au final, c'est une vision assez critique sur cette Chine dont on nous vante le dynamisme: une nation de déracinés, obnubilés par la réussite matérielle, sans pour autant avoir acquis les standards occidentaux en matière culturelle et hygiénique. Une vision assez critique (j'ajoute l'absence de liberté) de ce pays qui tend, à mon grand effarement, à devenir le modèle économique et social de ses voisins et de la planète.

Vince92 - Zürich - 46 ans - 6 décembre 2014


Candide dans l’Empire du Milieu 7 étoiles

« Shenzhen » a été réalisé trois ans avant « Pyongyang », et ça se voit. Le style est moins affirmé ici, et même au fil des pages, on constate une évolution de manière assez frappante, les dernières pages se rapprochant plus de sa chronique en Corée du Nord. On est dans le minimalisme, ce qui ne doit pas vouloir dire « absence de style ». Plusieurs cases dans la première partie font presque amateur, avec un crayonné bâclé et même franchement laid. Heureusement, Delisle compense ce défaut par l’humour et la pertinence du cadrage et de la mise en page.

Pour le reste, c’est plutôt sympathique, certains pourront trouver cela trop anecdotique et sans intérêt par rapport à un pays où la démocratie est encore largement absente, mais je trouve pour ma part que c’est une façon originale de décrire un pays d’une culture très éloignée de la nôtre, pour nous autres Occidentaux, en racontant son quotidien en tant que visiteur étranger et « candide ». On peut reprocher la subjectivité de la démarche, certes, mais cela permet au moins à l’auteur d’échapper aux risques d’erreurs inhérents à l’approche documentaire. Ce dernier l’a fait sans prétention, avec sincérité, sans chercher à enjoliver ni dénigrer, ce qui rend l’ouvrage d’autant plus attachant. Certes, cela n’incite guère à visiter à Shenzhen, mais Delisle l’avoue lui-même vers la fin, il aurait préféré passer ses quelques mois à Canton, une ville apparemment plus accueillante qu’il eut le loisir de découvrir le temps d’un week-end.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 2 février 2013