Fol allié
de Patrick Dion

critiqué par Dirlandaise, le 16 mai 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
"Des étoiles filantes au fond de mes yeux"
Pour me plaire, un écrivain doit cumuler un certain nombre de qualités. Il doit être d’une absolue sincérité et se livrer au lecteur sans fard ni tricherie. Il doit aussi faire preuve d’un certain sens de l’humour et ne pas trop se prendre au sérieux. Patrick Dion avec ce livre passe le test haut la main. J’ai fort apprécié son récit et je dois avouer qu’il m’a conquise avec cette histoire d’un homme dont l’univers vient de basculer et qui ne se remet pas de la perte de son grand amour en la personne de Marie. Pourtant, Éric Doyon a tout fait pour que cette relation prenne fin abruptement. Il a multiplié les conquêtes et les coucheries à droite et à gauche car l’homme n’arrive pas à se contenter de ce qu’il possède. Il veut toujours aller voir plus loin s’il n’y aurait pas des filles qui pourraient mieux le satisfaire et mieux le comprendre. Mais pourquoi un tel comportement ? Éric se laisse aller à une introspection lente et douloureuse afin d’exorciser son mal. Il se remémore son enfance aux prises avec un père alcoolique qu’il devait aider du haut de ses neuf ans. Un poids bien lourd pour de si frêles épaules. Malgré l’enfer qu’il leur fait vivre lui et sa mère, Éric aime profondément son père et parvenu à l’âge adulte, il n’aura de cesse d’essayer de lui venir en aide. Il a ainsi développé une culpabilité morbide envers le malheur d’autrui. Tout au long du récit, Éric se raconte et s’adresse à un ami en la personne d’Alex, ami dont étrangement il ne reçoit jamais de réponse.

C’est un beau roman sur les thèmes de l’alcoolisme et de ses ravages sur les proches de la personne atteinte, roman sur la complexité des relations amoureuses, sur la difficulté de rester fidèle dans une société de consommation où tout le monde veut tout avoir tout de suite et multiplie les partenaires qui ne sont rien d’autre que des objets qu’on prend et qu’on jette après usage.

Ce sont des thèmes qui peuvent sembler d’une banalité affligeante mais qui, sous la plume de Patrick Dion, ont réussi à m’émouvoir et à me bouleverser profondément. J’avoue que après lecture des premiers chapitres, j’avais une boule dans la gorge et beaucoup d’émotions affluaient en moi à un point tel que j’en avais les larmes aux yeux. C’est un récit si touchant de sincérité et si humain ! Nous avons de très bons écrivains au Québec et monsieur Dion en fait désormais partie. J’attends ses autres romans avec impatience.

« J’ai longtemps souhaité sa mort naturelle, parce qu’il m’en faisait trop baver avec la vie, avec ma vie. J’étais épuisé, vidé, corrompu par son mal-être. Je savais que s’il mettait lui-même fin à ses jours, j’étais pour mourir à mon tour, à petit feu. Mourir dans mon âme. Dessécher tranquillement, devenir poussières et cendres vivantes. Parce qu’un petit gars, qu’il ait dix ou soixante-dix ans, ne peut pas supporter le fardeau du suicide de son père. J’ai souhaité sa mort sans avoir le fardeau d’en être le témoin. Comment un homme peut-il en venir à souhaiter la mort de son propre père ? »

« Je martèle d’un pas de danse cadavérique le plancher de mes journées. »

« Les filles sont des étoiles filantes au fond de mes yeux. »