Portrait de groupe avant démolition
de Denis Robert, René Taesch

critiqué par Le Bateleur, le 3 mars 2002
(Tronville - 68 ans)


La note:  étoiles
Du blanc et du noir pour les SDF de Nice et de Metz
Des photographies saisissantes, des textes pleins de pudeur. Rarement ces gens qui vivent de la rue et dans la rue, ont été approchés d'aussi près tout en étant respectés comme des êtres humains à part entière avec leurs pensées, leurs envies. René a vécu avec eux, il est sur l'une des photographies, Christopher, ancien légionnaire, SDF de ses amis prenant sa lumière dans un squat de Nice. Ces morceaux de réel en noir et blanc m'ont fait un choc à la première lecture, on y croise des êtres ralenti par la vitesse des autres, de tous ces autres dont nous sommes, qui courent au travail, à leur femme, à leurs enfant, à leur maison, ralenti par la boisson bien sur, mais aussi par ce qui dans les villes les immobilise dans les squats à protéger, les bouts de trottoir à défendre, les bancs ou autre lieux à dormir. Mais ce choc se poursuit à chaque fois que j'ouvre le livre et que le commentaire me rappelle le destin de ces hommes dont la plupart sont morts quelques années après que René ait apprivoisé leur crainte et capturé leur image. Un livre à lire pour se rappeler qu'à Nice, à Metz (les deux lieux d'errance pris en photo) mais aussi à côté de chez vous, survivent des hommes en démolition. "Nous pouvons continuer collectivement, à faire comme si le problème n'existait pas. Comme si les SDF n'existaient pas. Après tout, leur mort ne fait de tort à personne. De discrets agents de nettoyage pourraient même être formés à certaines opération d'évacuation ou d'élimination préventives. Je veux dire : quand on est absolument sût qu'un SDF va mourir (comme Henri par exemple avec sa gangrène), pourquoi ne pas accélérer un tantinet le processus ? Je plaisante à peine, Nous sommes dans cette logique"
Un détail : J'ai connu René alors qu'il s'occupait d'une ferme d'animation à destination des enfants de centres aérés, puis lorsque cette structure à disparu faute de volontés des financeurs, comme bûcheron, je n'ai jamais vu un sourire qui dégageait autant de bonté, devant ce colosse tranquille, je me suis toujours senti à la fois totalement désarmé et apaisé.
Plus qu'un choc !... 10 étoiles

Ce livre a beau nous parler, et nous montrer, de choses que nous savons qui existent, il est irremplaçable parce qu'il nous fait un peu connaître ces gens que nous ne regardons bien souvent que d'un oeil distrait et avec beaucoup de gêne ! Il choque, il bouscule, il attaque notre petit confort. Beaucoup nous dirons "Comment pouvez-vous acheter et lire de tellles horreurs ?" La réponse est très simple: parce que c'est la condition d'êtres humains qui vivent à côté de nous ! A ne surtout pas manquer !...A ne surtout pas oublier quand vous en verrez un !...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 4 mars 2002