Wellington
de Jacques Chastenet

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 20 avril 2010
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Une gloire du Panthéon anglais
On ne peut s’imaginer ici, sur notre continent barbare, à quel point ce Wellington est un monument dans les îles Britanniques. Il occupe une première place au Panthéon - virtuel – des gloires nationales au côté des Marlborough, Churchill et autres Montgomery - auxquels nous ajouterions volontiers, Élisabeth 1ère, la Reine Victoria, lady Diana et pourquoi pas, notre actuelle Queen Élisabeth, de façon à rétablir l’égalité des sexes, comme il se doit.

Cette biographie de Wellington est très intéressante ; elle est écrite à l’ancienne (le livre date de 1945) c'est-à-dire qu’elle raconte la vie du héros mais en la remettant dans son siècle. C’est l’Histoire de l’Europe de 1750 à 1860 qui nous est racontée, du point de vue anglais, et d’une façon exceptionnellement bien documentée.
Quand Wellington bat en retraite dans les Pays-Bas sous la poussée des troupes révolutionnaires « qui avaient réalisé le grand rêve des Rois de France de constituer une république batave, vassale de Paris », l’auteur nous raconte l’épopée des campagnes révolutionnaires et nous fait remarquer que c’est la seule défaite de Wellington - qui nous dira plus tard : « c’est là que j’ai tout appris ».

Tant il est vrai que c’est sur les débâcles de la jeunesse qu’un homme se construit.

Quand Wellington est aux Indes, tout un chapitre est consacré à la situation des Indes. C’est passionnant ; on y voit comment les Anglais ont chassé les Français et les Hollandais et avec quelle habileté ils ont transformé leur Compagnie des Indes qui était purement commerciale en un Empire. Ce que les Anglais doivent au duc de Wellington et à son frère aîné est inimaginable !

Plus tard, Wellington est en Espagne, ou plutôt au Portugal, à Porto où il prépare son extraordinaire campagne espagnole contre les plus grands généraux de l’Empire : Ney, Soult, Mortier, Junot, Victor, Jourdan, Gouvion Saint-Cyr.
C’est là que le grand soldat, le grand meneur d’homme se révèle à la France et aux Alliés comme le plus grand capitaine de son temps – hormis Napoléon, s’entend.

Pourtant, les Anglais au Portugal, comme les Français en Espagne, se sentaient en terre conquise et n’étaient pas trop pressés d’en découdre. Le prestigieux gentleman anglais ne dédaignait pas les gentilles Portugaises au regard pudibond mais qui, paraît-il, savaient se réveiller au bon moment. Pas plus qu’il n’avait dédaigné les mystérieuses Indiennes qui, là aussi s’il faut en croire les ragots, lui avaient appris tant de choses sur les délices des alcôves.
Mais, nous le savons - les dames du continent qui ont passé un séjour aux îles britanniques, nous l’ont toujours affirmé : « le gentleman anglais n’est gentleman que dans la rue… »
Il faut dire que les Français en Espagne n’était pas en reste : à part le maréchal Ney qui, fidèle à sa légende, se tenait droit comme un i, les autres chefs d’armée se conduisaient comme des satrapes et leurs soldats comme des pillards.
Soult avait amené dans ses fourgons sa maîtresse déguisée en fantassin (on a les phantasmes qu’on peut !) ce qui ne l’empêchait pas de goûter comme les autres, aux ravissements des lascives Espagnoles qui dansaient le flamenco debout sur les tables en claquant des talons.

Mais revenons aux choses sérieuses !

Car, déjà, l’heure fatale pour Napoléon, l’heure de gloire pour Wellington, se profilait au ciel de 1815 dans une morne plaine désormais terre de légende, où curieusement tout chante la gloire du vaincu. À Waterloo, on chercherait vainement ne fusse que le nom du plus prestigieux des Anglais en son siècle, le duc de Fer, duc de Wellington, Prince de Waterloo…

Comme disait le poète : Servitude et Grandeur militaires… !

Mais dans les îles Britanniques, au lendemain du 18 juin, le grand homme est devenu le héros de légende, l’enfant chéri des dames et des demoiselles, le gentleman dans toute sa gloire et dans toute sa tradition.

Cette critique est beaucoup trop longue et j’en suis consterné ; j’ai déjà supprimé la moitié du texte et je devrais encore l’écourter d’une moitié… Mais je ne peux pas, ce livre m’a trop passionné.

La critique, d’ailleurs, ne serait pas complète si elle passait sous silence ce que le duc fit peut-être de plus grand : l’organisation de la paix !
Wellington était avant tout un stratège, un conciliateur, un pacificateur : il eut le mérite de ne pas humilier les vaincus et de conclure avec la France, l’ennemi de toujours, une paix définitive.
On sait, depuis le Traité de Versailles et Clemenceau, qu’il est bien plus difficile de réussir une paix que de gagner une guerre…
Louis XVIII à qui un courtisan disait :
- quel curieux hasard a voulu que Wellington et Napoléon naquissent la même année, répondait :
- la Providence nous devait bien ça !
Il disait vrai : la Providence pour lui, portait le nom de Wellington ; car ce fut lui l’artisan de la Restauration. Ce n’est pas qu’il aimât les Bourbon, loin s’en faut, mais il avait compris, à peu près seul contre tous, qu’ils représentaient la paix et la légitimité de la France.

Il me reste à dire, pour terminer, que l’auteur de cette splendide biographie, Jacques Chastenet, est de l’espèce de ces historiens français que nous apprécions le plus et, d’autant plus, qu’il possède cette qualité rare : il n’est pas chauvin.