La ligne âpre de Régine Detambel

La ligne âpre de Régine Detambel

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Elya, le 11 avril 2010 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
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Où l'on revisite l'anatomie

Une lecture synthétique et originale ; deux qualités qu'il fait bon de retrouver de temps en temps dans un livre.

Régine Détambel est écrivain d'adoption, kinésithérapeute de formation. Passionnée d'anatomie, dont elle a fait pendant des années son métier, son oeuvre se caractérise par un rapport inéluctable au corps et à ses méandres. Ici elle apporte de l'importance et surtout une admiration à la fois contemplative et descriptive à ce qui reste pour le non initié de simples vétilles.

Il s'agira donc de conter de l'extrémité des doigts longs à l'épaule, puis de l'omoplate au talon, en remontant par l'intermédiaire du coccyx et de la ligne des épineuses, comment les structures osseuses se dressent, rivalisent d'excentricité et s'amalgament pour parvenir à un squelette hypothétiquement harmonieux.

Son écriture se caractérise aussi par une plume parfois pointilleuse mais toujours pleine de poésie et de véracité quant à notre quotidien.
Un petit passage destiné à nous lecteurs lorsqu'il s'agit de décrire l'ulna, anciennement cubitus, os de l'avant-bras, pour illustrer son style particulier :

"Le lecteur est couché en chien de fusil, sa main posé à plat sur les marges inférieures du livre. L'auriculaire empêche le papier fort de rebiquer. D'abord la fatigue est bonne à l'épaule, et on reste immobile, à lire sur le coude. On n'a même pas envie de détruire, en remuant, l'engourdissement qui semble protéger le bras. En 10 minutes ou en une heure, selon le support, le froid gagne, l'avant bras se mouille, il est glacé, mais il est inutile de s'en prendre à la brume. D'une seconde à l'autre, on se sent dégrisé et triste à mourir. De son coude en fourmillé, de sa main gelée, de son auriculaire inerte et pesant, on ne cesse plus d'arracher les pointes de flèche. Les comparaisons ne manquent pas non plus avec les gibiers, les bûchers, les piqures d'acier ou de dard, les tenailles.
Comme si le livre contenait son propre châtiment, animal et turbulent, impulsif et violent, sa vermine qui passe, de la page à la chair, et vient courir le long de l'avant bras. La formication constitue l'aventure de toutes les lectures sur la terre."

C'est donc une lecture exclusive, heureusement courte, qui fera sourire et intriguera les amateurs du corps humain. Pour le lecteur lambda, préférer sans doute commencer par lire un autre de ses romans.

Nb à ceux qui ne connaissent pas (encore) leur anatomie sur le bout des doigts (que Régine Détambel n'appelleraient d'ailleurs pas ainsi mais bien phalangette) :
- le titre La ligne âpre fait référence à une partie de l'os fémoral, son bord postérieur, qui est un lieu d'importantes et nombreuses insertions musculaire
- la formication est le terme médicale pour désigner la sensation de picotement et fourmillement lorsque l'apport sanguin est réduit

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