Morgan, tome 01 : Repose en paix
de Antonio Segura (Scénario), José Ortiz (Dessin)

critiqué par PPG, le 3 avril 2010
(Strasbourg - 48 ans)


La note:  étoiles
L'entame d'une série noire implacable
Morgan est un flic entre la vie et la mort. Une balle de calibre 45 flirte dangereusement avec son coeur, le condamnant à plus ou moins brève échéance. Il est contacté par sa fille Susan, de passage à Métropole. Elle lui demande de la rejoindre dans le luxueux hôtel Calypso. Que fait-elle là alors qu'elle devrait être à son centre de désintoxication ? A son arrivée, il la retrouve morte sur son lit, sauvagement assassinée. On comprendra lors de ses obsèques que sa femme l'a quitté. Mis sur la touche professionnellement par cette blessure, l'ex-commissaire intègre n'est plus rien : sa vie est terne, sans objet... sauf celui de venger sa fille. Pour sûr qu'il arrivera à tuer le responsable de la mort de sa fille, aussi sûr que cette vendetta le conduira tout droit en prison : dans l'Egout 10, prison d'état de Métropole, où il devrait d'ailleurs croiser quelques malfrats qu'il a coffrés.

Ce premier tome d'une magnifique série de six donne d'emblée le ton : c'est cinglant, noir, court et violent. Les 48 pages de chaque album sont réparties en 4 nouvelles qui font mouche à chaque fois. Jusqu'au tome 4, "Don Gaetano", nous suivons les péripéties de ce flic devenu taulard, avant son évasion. Dans ce premier tome, on y voit comment Morgan procède pour se sortir des pires situations (de domination, d'humiliation...) afin de sauver sa peau, sans oublier celle des autres. Avec panache et ironie, il s'évertuera en effet à adoucir le sort ou la condition d'autres détenus. Attention, Morgan est un homme froid, quasi-mort : il n'a plus rien à perdre ni à gagner, exceptés sa liberté et son honneur ; ses méthodes sont expéditives, machiavéliques, sans pitié, utilisant à bon escient tous les moyens dont il dispose où qu'il soit.

Cette bande dessinée donne le vertige par tant de maîtrise et de précision. La paire espagnole Ortiz et Segura réussit là un tour de force impressionnant. Les dialogues fusent avec dureté et les dessins sont parfaits pour créer une atmosphère oppressante, c'est-à-dire dépourvus de détails inutiles, axés sur les faciès des protagonistes et leurs expressions, coloriés sans nuances. Enfin, le découpage donne un rythme haletant des plus plaisants et des plus divertissants pour le lecteur qui risque de devenir très rapidement un inconditionnel des péripéties de Morgan. Dommage que la série soit si brève, mais quelle puissance dégagée en contrepartie !