Création
de Gore Vidal

critiqué par Nicolas D., le 21 mars 2010
(Lille - 42 ans)


La note:  étoiles
Le Vème siècle avant J.-C.
En 445 avant J.-C., Cyrus Spitama (petit fils de Zoroastre -rien que ça) entretient Démocrite (père de l'atomiste grec - rien que ça) sur ce qu'il a vu et vécu à la cour des grand rois Achéménides (Darius, Xerxès et Artaxerxès). Ceux-ci ayant eu la glorieuse idée de l'envoyer en tant qu'ambassadeur à "l'orient de l'orient", soit en Inde et au Cathay (Chine actuelle), une bonne partie du livre relate les pérégrinations de notre cher prêcheur dans ces contrées fort...différentes.
Le thème central (et le titre) de ce roman étant relatif à la question de la création primordiale (la poule ou l'oeuf), Cyrus Spitama profite de ses missions commerciales et divines pour converser avec Bouddha, Lao Tseu, Confucius...Il énonce quelques thèses alors inédites de Pythagore, Anaxagore et Démocrite...
Bref, un bon étalage de ce que pouvait être la vie en ces temps reculés, même si les épisodes se déroulant en Inde et en Chine m'ont paru légèrement longs.
Très excitant pour les férus d'histoire (romancée).
A noter que dans cette édition figure une carte fort utile lorsque sont énoncés les noms de villes, satrapes ou fleuves existant. Finissons par avertir qu'il ne s'agit nullement d'une histoire des guerres médiques, comme pourrait le laisser penser certaines quatrième de couvertures (elles ne sont qu'évoquées sporadiquement).
Lecture très intéressante !

PS : Prévoir papiers et crayon(s) pour griffonner les noms et relations existant entre tous les personnages...car à l'évidence tout se passait entre frères, demi et quart de parents !

4/5.
Un Gore Vidal historien 9 étoiles

« Création » est un ouvrage très impressionnant. A plusieurs titres.
« Création » est à Gore Vidal probablement ce que « Mémoires d’Hadrien » est à Marguerite Yourcenar. Même exigence dans le rapport des faits et la prise en compte des psychologies, même souci de véracité et surtout même merveilleuse plume. J’écrivais, à propos de « Mémoires d’Hadrien » :

« Qu’est-ce qui a bien pu pousser Marguerite Yourcenar à se lancer dans une telle oeuvre, à intérioriser d’une telle manière l’empereur Hadrien au point de nous livrer cette « vie » d’Hadrien, à la première personne, sans effets de manche mais sans aucun doutes non plus quant à la véracité de son histoire ? Quelles tranquilles certitudes ont pu venir l’habiter pour nous imposer cette histoire, sans remises en cause possibles, qui est fort probablement l’Histoire ? »

Je pourrais reprendre ceci en remplaçant Yourcenar par Vidal et « Mémoires d’Hadrien » par « Création ». L’ampleur de l’œuvre m’affole. Je n’ose imaginer le travail en amont de collecte des divers éléments, le temps passé ensuite à rédiger ces 684 pages d’une manière telle que nous vivons avec lui une Histoire dynamique, qui se joue devant nous. Félicitations également à Brice Matthieussent, le traducteur attitré de Jim Harrison entre autres John Fante et Richard Ford. Un sacré ouvrage !
A la limite je serais encore plus admiratif dans le cas de Gore Vidal, s’agissant d’un américain. Je ne gagerais pas grand-chose sur l’hypothèse que « Création » ait fait un carton aux USA. J’ai un doute ! Autant il parait naturel à un européen, une européenne, de s’intéresser à l’Histoire, l’Histoire de son continent, de sa civilisation, autant il parait plus improbable de voir un américain – membre d’un peuple pas précisément réputé pour son intérêt quant à l’Histoire, une Histoire en outre qui ne concerne pas directement ce peuple autocentré – intégrer avec tant de passion et de talent le mode de vie et les sentiments de Cyrus Spitama, petit fils et héritier de Zoroastre, ambassadeur de Perse à Athènes en 445 avant J.C. !
Car c’est de cette époque dont il s’agit, l’époque de Darius, Xerxès, Démocrite et Périclès. Cyrus Spitama, qui a une position privilégiée auprès de Darius, à sa cour, et qui ira, pour son compte, explorer et jouer le rôle d’ambassadeur de l’autre côté de Bactriane (Afghanistan) vers l’Inde et Cathay (la Chine). C’est tout simplement fascinant.
Moins fascinant j’ai trouvé, mais ceci probablement dû à mes médiocres connaissances de la civilisation grecque, les considérations picrocholines des affaires greco-grecques. La pusillanimité, la mesquinerie, poussées au plus haut degré. Les Perses ont beaucoup plus la considération de notre romancier historien mais je suis incapable d’apprécier la justesse de cette prise de position.
Hérodote en prend plein la tête. Darius est un véritable génie. Mais je pourrai relire une seconde, une troisième fois cet ouvrage que j’en découvrirais encore, des idées, des considérations philosophiques … C’est que notre Cyrus Spitama, lors de ses pérégrinations vers l’Inde tout d’abord, puis vers Cathay, a l’occasion de rencontrer Bouddha et Confucius. Ca vous a une autre gueule que de tomber sur Psy ou Bollywood !!!

Tistou - - 67 ans - 18 mai 2013