Merde à Jésus ! : Souvenirs de José de Nazareth de Marcel Paquet

Merde à Jésus ! : Souvenirs de José de Nazareth de Marcel Paquet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Le rat des champs, le 7 mars 2010 (Inscrit le 12 juillet 2005, 73 ans)
La note : 9 étoiles
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Le droit au blasphème

Un opuscule très court, d'une cinquantaine de pages, qui revisite la vie de Jésus de façon iconoclaste, telle que l'aurait vue son frère, imaginé pour la circonstance. La force de ce livre tient d'une part à son humour omniprésent, et de l'autre à son interprétation, sa relecture irrévérencieuse des évangiles, dont des citations sont plus ou moins détournées pour nous montrer un Jésus manipulateur, égocentrique, odieux avec tous, dont la mort sur la croix était inéluctable. "Tu finiras sur l'échafaud", disaient les mères aux vauriens du XIXe siècle.

Le narrateur, José de Nazareth a sept ans quand naît son petit frère Jésus, semble-t-il d'une liaison passagère de sa mère avec le cousin Gabriel, et dès leur enfance, ce petit monstre s'appliquera, consciemment ou non, à empoisonner littéralement la vie de sa famille. Mais c'est la rencontre d'un de ses cousins, aussi dingue que lui dans le désert, qui concourra à le mener vers son horrible destin.

Les événements des évangiles sont montrés d'un point de vue différent, visant à nous faire percevoir un Jésus illuminé, fou, mais doté d'un charisme exceptionnel, persuadé d'être le fils unique de Dieu et qui cause le malheur de tous ceux qui l'entourent. Dans son délire mégalomaniaque, il ne se rend d'ailleurs pas compte que les docteurs de la loi qui l'écoutent au temple se moquent de lui! Quant aux miracles, ils sont placés dans une vision symboliste: les aveugles continuent à ne pas voir de leurs yeux de chair, mais avec ceux de l'esprit, ils voient Dieu, ce qui selon José, imprégné de culture grecque, leur fait une belle jambe!

Jésus est montré comme un intégriste, un fou de Dieu, qui entraîne de pauvres pêcheurs ignorants dans son malheur.

Voici un passage significatif:

"Il marchait entouré de quelques suiveurs parmi lesquels je reconnus Pierre et les fils de Zébédée. Je pensais aux femmes et aux enfants que ces lâches avaient délaissés et j'étais triste que mon frère Jésus fût à l'origine directe du malheur qui avait frappé ces innocents." (p 38)

Il y a pourtant des moments de vertueuse colère, notamment contre les scribes et pharisiens hypocrites, où José est fier de son frère, mais hélas, le côté insupportable de celui-ci reprend vite le dessus, et le pauvre José assiste consterné et impuissant au processus qui conduit à la crucifixion puis à la naissance d'une secte, qui, il le subodore, détruira la vie des hommes pendant encore bien des siècles.

On peut prendre ce livre selon son tempérament et ses pré-supposés comme une désacralisation, un blasphème, ou plus simplement un essai humoristique, d'ailleurs brillamment remporté.

Marcel Paquet est un philosophe belge, né à Charleroi en 1947. Son style est racé, élégant et humoristique. Passionné d'art, il a écrit de nombreux autres livres sur la peinture, mais aussi sur Platon et Socrate.

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