Le Confort intellectuel
de Marcel Aymé

critiqué par CC.RIDER, le 6 février 2010
( - 65 ans)


La note:  étoiles
De la décadence par le biais des Arts et Lettres
Une suite d'entretiens philosophiques, un peu dans la tradition classique, sous la forme de dialogues (de sourds quelquefois...) entre l'auteur et un certain Monsieur Lepage, petit bourgeois borné et réactionnaire qui condamne avec la plus grande vigueur les dérives de la littérature et de la poésie moderne, toutes deux égarées dans les marécages du romantisme, du surréalisme, de l'existentialisme et de toutes sortes de perversions en isme. D'après lui, tout a commencé par les romantiques pour en arriver à sa bête noire, le grand pervertisseur, Charles Baudelaire et aller ensuite de mal en pis avec des auteurs comme Valéry, Gide, les poètes hermétiques. Progressivement le mal s'est étendu à la peinture avec Picasso et consorts puis à toutes les formes d'art avant de contaminer jusqu'à la substance même de la civilisation. Résultat : le bourgeois ne croit plus du tout en lui-même et en arrive à bêler à l'unisson de ses pires ennemis : les communistes.
Un essai politico-socio-philosophique assez particulier marqué au coin du bon sens et dans lequel Marcel Aymé se garde bien de prendre parti. Mais c'est un esprit fin, roublard, un peu anar et un tantinet retors. Il profite de ces dialogues faussement socratiques pour asséner quelques vérités bien envoyées tout en montrant le ridicule d'une théorisation tranchée et même poussée jusqu'à l'absurde. Ecrit en 1949, ce texte assez court (150 pages) n'a pas pris une ride. La sottise et le pédantisme tiennent toujours le haut du pavé aujourd'hui...
Extraits :
« Mais les riches sont souvent insatiables. Il ne leur suffit pas d'être installés dans leurs abus et d'en jouir avec lucidité. Il leur faut encore le frisson du pauvre. C'est un luxe qui finit par leur coûter cher et, en premier lieu, leur confort intellectuel. »
« Un être inouï, formidable, dira-t-on. « Vous savez qu'il joue de l'accordéon? » Et sur cela seulement qu'il joue de l'accordéon ou qu'il prend de la coco ou qu'il est inverti, on le tiendra pour un homme de génie. »
« Pourquoi diable, dans leurs assemblages invertébrés et insignifiants, croient-ils devoir supprimer les points et souvent jusqu'aux majuscules qui pourraient imposer à l'esprit du lecteur l'idée de pause, de respiration ? Ne savent-ils donc pas que la musique est d'abord ponctuation ? »